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Adjani et l’immortalité

A-t-elle trouvé le secret de la jeunesse éternelle? Elle a 45 ans et son visage n’accuse pas une ride. Avant l’effondrement, elle ferait mieux de lire Sénèque et Ciceron.

Après une longue absence, Isabelle Adjani est de retour. Dame aux camélias sur les planches parisiennes, elle vient de faire la une de la plupart des magazines féminins. Vous chercherez, mais en vain, une ride sur ce visage lisse, transparent. Le temps ne semble pas avoir prise cette quadra. La belle Isabelle défierait-elle les lois du vieillissement, serait-elle immortelle?

Miracle de la cosmétique, du bistouri ou du laser, peu importe: la démarche est pathétique. Pauvre Adjani! Obligée de tricher avec la vie, de gommer la trace des émotions qui font le sel d’une existence. Victime de la tyrannie des apparences, tout comme Florence Arthaud qui avouait, alors qu’elle venait de remporter la Route du Rhum, craindre par-dessus tout l’arrivée des premières rides. Plutôt que de savourer ses atouts, la fiancée des quarantièmes rugissants préférait se faire du mouron pour le cap de la quarantaine…

Adjani, Arthaud deux exemples de femmes appartenant à cette génération qui aborde l’âge mûr dans une société qui n’aime ni l’idée ni l’image du vieillissement. Elles sont emblématiques d’un troisième millénaire parti à l’assaut de la jeunesse éternelle à coups de testostérone, de mélatonine, d’hormone de croissance, de THS (traitement hormonal de substitution) ou de DHEA (déhydroépiandrostérone).

Autant de substances prohibées dans les milieux sportifs. La pharmacopée de la «femme d’âge mûr qui se prend en charge» (bel euphémisme) n’a rien à envier à celle d’un Virenque!

Depuis cet été, la médecine dispose officiellement d’une discipline supplémentaire, la médecine de l’anti-vieillissement («anti-aging»). Le congrès de l’ordinare cialis online s’est tenu cet été à Chicago. Il s’agit de la première société à considérer le phénomène du vieillissement humain comme un problème médical nécessitant un traitement. Le rêve faustien de jeunesse éternelle est toujours bien vivant.

Rares sont les femmes célèbres qui osent se soustraire au discours ambiant. Isabelle Huppert ou Sharon Stone, pour ne citer qu’elles, ne mettent pas le genou à terre devant le diktat de la peau lisse. Qui, en les voyant, osera prétendre que les femmes ne sont belles que lorsqu’elles sont jeunes?

Malgré l’arsenal constitué par l’effaceur de rides, l’antirides fermeté pour la nuit, l’actif anti-âge pour la jeunesse du regard, le contour lisse pour les lèvres, la crème antitache pour les mains et j’en passe, la guerre contre les rides peut, au mieux, retarder un phénomène inéluctable et, à coup sûr, vous coûter très cher. Impossible de rivaliser avec une Lara Croft qui conserve éternellement ses 25 ans et son look canon. Mais est-il vraiment si difficile d’accepter cette évidence?

«Elles croyaient qu’elles ne vieilliraient jamais», l’ouvrage que viennent de publier Régine Lemoine-Darthois et Elisabeth Weissman (aux éditions Albin Michel) donne la parole à ces femmes dont le corps les lâche tandis que la société les largue. On y découvre la réalité comme les femmes se la racontent entre amies.

Il y est beaucoup question d’effondrements: deuils, pertes, exclusion, rejet, sans parler de l’effondrement «des tissus, des chairs, des fesses, des seins, des cuisses, du haut des bras, du ventre…». Les actuelles quadras et quinquas ont pris le jeunisme de plein fouet. En secret, elles ruminent la honte de vieillir, se transforment malgré elles en victimes consentantes d’un système qu’elles réprouvent.

Accepter de vieillir requiert un travail de lucidité auquel tout le monde n’est pas prêt. «Il faut se battre pour changer le regard que porte la société sur le vieillissement, faire découvrir aux enfants que grandir, c’est vieillir, et que vieillir, c’est grandir», estime Françoise Forette, de la Fondation nationale de gérontologie («La Révolution de la longévité», Grasset).

Adjani a confié au magazine Elle du 30 octobre sa perplexité face à la brièveté de la vie et son désir de rattraper le temps perdu: «Je vais me remettre au latin, et ensuite j’apprendrai le grec ancien». Si elle met à exécution ses projets, peut-être lira-t-elle, dans le texte, «De Senectute» de Ciceron ou «De Brevitate vitae» de Sénèque. Deux textes qui en deux mille ans n’ont pas pris une ride.

«De la vieillesse» est un dialogue écrit en l’an 44 avant J.C. qui répond aux principaux chefs d’accusation lancés contre la vieillesse. Pour Ciceron, en vieillissant, on entre dans un âge plus propice à l’accomplissement des ouvrages de l’esprit. Le corps, délivré de la servitude des sens, guide alors l’âme vers cette libération définitive qui s’accomplit par la mort, acte ultime de l’existence humaine.

Dans «La brièveté de la vie», Sénèque, quelques années plus tard, s’attache à montrer comment donner un sens qui ne passe pas à une existence qui passe sans cesse. Or, la vie ne cesse d’être brève que par l’usage qu’on en fait. Au lieu de se disperser au long d’un passé aboli, d’un présent insaisissable et de vaines espérances d’avenir, il faut rendre présent chaque moment du temps en lui conférant un sens qui, dépassant la caducité, la remplit.

Sénèque semble avoir écrit ce passage métaphorique pour Florence Arthaud: «Ne va donc pas croire que des cheveux blancs et des rides prouvent qu’un homme a longtemps vécu: il n’a pas longtemps vécu, il a longtemps été. Quoi, te diras-tu qu’un homme a beaucoup navigué parce qu’une violente tempête l’a surpris à la sortie du port, l’a porté çà et là dans la tourmente furieuse de vents différents et promené en cercle sur la même étendue de mer? Il n’a pas beaucoup navigué: il a seulement été beaucoup ballotté.» (page 109, éditions Arléa).

Par leur message Cicéron et Sénèque visent à faire de nous des amis de la fatalité. Car comment espérer accompagner son vieillissement si l’on ne se réconcilie pas avec l’idée qu’on est en train de vieillir? Un processus qui exige de la bienveillance, de l’indulgence, bref de la compassion pour soi. Quel que soit notre âge, il a déjà commencé pour nous aussi.