LATITUDES

La balade des panoramas

Avec ses 500 mètres de dénivelé et le lac en toile de fond, la capitale vaudoise s’admire sous tous les angles. Balade à la recherche des plus beaux points de vue sur la ville et le Léman.

«Dans ma carrière de photographe panoramiste, réaliser cette vue de Lausanne a été ma plus belle expérience, ma plus belle aventure.» Le photographe français Christian Braut est intarissable quand il évoque son œuvre de 2019: un panoramique de Lausanne, immortalisé du haut du beffroi de la Cathédrale, où la ville étale ses beautés au soleil, face au Léman sublimé par les Alpes aux sommets enneigés. Ce cliché superposant des centaines d’images pour obtenir la plus grande précision de détails, a aussi la particularité de mêler les quatre saisons. Il a nécessité deux ans de travail. Mais quand on aime, on ne compte pas : «Les couleurs et les lumières de Lausanne confèrent une atmosphère un peu magique, et le lac avec ces montagnes me fascinent. C’est l’un de mes spots préférés pour la photo», confie l’habitant des Yvelines.

Avec ses 500 mètres de dénivelé, la ville offre partout des points de vue saisissants. Pour qui souhaite les immortaliser de façon optimale, elle dispose d’observatoires privilégiés – tour, belvédère ou esplanade – et gratuits tout au long de la pente. Notre balade en explore quelques-uns.

Elle débute au lac de Sauvabelin, à une douzaine de minutes en bus (n° 16) du centre. Là, à 700 mètres d’altitude, au cœur de la forêt, un lac artificiel côtoie la plus grande place de jeux de Lausanne. Au bord de l’eau, la terrasse de la Pinte du lac de Sauvabelin invite à une première halte. Puis nous nous rendons à la tour de Sauvabelin qui fête cette année ses 20 ans. Construite entièrement avec des arbres de la commune et culminant à 35 m, elle constitue le plus haut point d’observation de la ville. Encore faut-il gravir les 151 marches de son escalier en double hélice pour atteindre sa plateforme avec une vue à 360°.

On emprunte ensuite un sentier qui nous mène au Signal de Sauvabelin, à 643,8 mètres. On est accueilli par la terrasse ensoleillée du restaurant Le Chalet Suisse. Ancien pavillon suisse de l’Exposition universelle de 1958 à Bruxelles, il avait ensuite été déménagé au Signal pour l’Expo 64.

De l’esplanade du Signal, la vue est dégagée. La Cathédrale se détache sur fond bleu. Une table d’orientation nomme chacun des sommets des Alpes qui nous font face. Une petite chapelle joue un grand rôle dans la vie locale : c’est là qu’est entreposée la pièce d’artillerie utilisée chaque 24 janvier pour tirer les coups de canon commémorant l’indépendance du Pays de Vaud.

Un sentier à travers la forêt débouche sur la Fondation de l’Hermitage qui célébrera l’an prochain 40 ans d’expositions. À notre droite : la paisible terrasse du restaurant de l’établissement, L’esquisse. Les samedis et dimanches, on y brunche avec plaisir. Une balade dans le parc paysager de l’Hermitage s’impose, à la découverte des arbres centenaires et rares qui le jalonnent. En pente, il offre une vue époustouflante. En son centre, un banc semble avoir été mis là pour qu’on se perde dans ce panorama, avec le lac pour seul interlocuteur.

Deux options se présentent ensuite pour rejoindre la colline de la Cité, où trône le château Saint-Maire, achevé en 1430 : soit en longeant la route du Signal, l’avenue Louis-Vulliemin et le chemin du Petit-Château, soit en suivant le sentier dans la forêt, plus rapide, mais plus escarpé. Contre le flanc du château se dresse depuis 1898 la statue du major Davel, héros vaudois qui tenta de libérer le canton du pouvoir bernois et le paya de sa vie, il y a tout juste 300 ans. Quelques marches conduisent à une esplanade. Le panorama y est plus citadin, la tour Bel-Air, premier gratte-ciel de Suisse en 1931, se distingue. Sur notre gauche, une façade au pignon à gradins interpelle : «Il s’agit de l’ancienne Académie, bâtie dans le dernier quart du XVIe siècle par les Bernois», souligne Valentine Chaudet, archéologue et historienne des monuments. Cette institution a été fondée en 1537 pour former les pasteurs de la nouvelle foi protestante.

Nous marquons encore un arrêt devant le siège du Grand Conseil vaudois, reconstruit entre 2014 et 2016. Depuis février, son restaurant est ouvert au public les lundis, mercredis, jeudis et vendredis à midi. L’occasion de pénétrer dans l’immeuble qui recèle les plus anciens vestiges d’architecture civile privée de la ville : la maison Charbon, du nom des propriétaires du XIIIe siècle. «Elle a été construite entre 1140 et 1175. Une première fenêtre avait été découverte en 1919, révélant la présence d’une ancienne façade dans l’un des murs mitoyens. Les transformations de 1967-1968 ont laissé visibles d’amples portions de maçonneries médiévales. Mais ce n’est que lors des derniers travaux que l’ancienne façade a été dégagée dans l’entrée monumentale du Parlement», explique la spécialiste.

Sur l’esplanade de la Cathédrale, la vue s’ouvre sur les toits du centre-ville. Pour capturer celle immortalisée par le photographe Christian Braut, il faut monter les 224 marches du beffroi. «J’ai réalisé cette image pour un ami qui vit place du Tunnel, explique-t-il. Comme il n’a pas de vue sur le lac, il m’avait demandé de lui en créer une sur papier peint.» Cette œuvre unique recouvre depuis une paroi de 10 mètres de son appartement. Sur lausanne.gigapixels.fr, on peut découvrir les étapes de sa réalisation.

Pour rejoindre la place de la Riponne, nous empruntons la rue Pierre-Viret, où le bar éphémère Les Jardins attire la foule aux beaux jours. «Cette rue a été percée en 1911 en corrélation avec la construction du pont Bessières», détaille Valentine Chaudet. D’où une particularité, visible à la hauteur du café Le Barbare : «La façade actuelle comprend deux baies gothiques appartenant à une paroi intérieure.» On traverse ensuite le centre piéton pour rejoindre la passerelle du Flon. À gauche, la vue sur la Cathédrale laisse apparaître très distinctement les différents étages de la ville. À droite, le quartier moderne du Flon regorge de restaurants, clubs et terrasses.

Nous arrivons au parc de Montbenon. Construit comme un balcon sur le Léman, il se décline en trois esplanades. Les deux premières ont été achetées par la Ville au XIVe siècle pour en faire une place de fête et d’exercices militaires. La troisième recouvre le toit du premier parking public de Lausanne, ouvert en 1961. Très fréquenté en journée et cadre de différents festivals, le parc de Montbenon compte aussi le Myō Sushi Bar, noté 15 sur 20 au Gault & Millau, la Cinémathèque suisse et la Brasserie de Montbenon.

Nous prenons le chemin des Croix-Rouges qui semble plonger dans le lac. Deux collèges se font face : celui des Croix-Rouges, construit en 1938, et celui du Belvédère, inauguré en 1956. Ce dernier est l’œuvre de l’architecte Marc Piccard, à qui l’on doit également la piscine de Bellerive. Il porte bien son nom : construit avec l’intention de respecter le panorama, il offre aux élèves un magnifique point de vue depuis son esplanade.

Le pont qui surplombe la voie ferrée conduit au chemin du Languedoc. La sensation d’être hors de la ville saisit alors les promeneurs. Le calme est maître sur la colline du Languedoc où l’on trouve deux lieux d’exception pour admirer le paysage : une esplanade, jouxtant le vignoble de la Ville. Et, plus bas, un petit belvédère, à l’ombre d’un tilleul de 260 ans.

Nous poursuivons notre route jusqu’au parc de Milan, où le Jardin botanique, au sommet de la colline de Montriond, offre une nouvelle occasion de s’émerveiller. Dessiné en 1946 par Alphonse Laverrière, à l’origine notamment de la tour Bel-Air, il recense près de 4000 plantes, dont la plus importante collection d’espèces carnivores de Suisse. Nous nous rendons ensuite, en longeant l’avenue de Cour, à l’hôtel Royal Savoy. Quoi de mieux pour terminer cette balade, que de se reposer sur la terrasse panoramique de son restaurant SkyLounge, d’où Lausanne se dévoile, une nouvelle fois, tout en splendeur.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (n° 11).