GLOCAL

Eureka, l’adaptation

Victoire de la molle Loi Climat, sommet de Paris, mauvais traitements infligés aux activistes: la petite musique qui monte qui monte, est qu’il ne s’agit plus de lutter contre le réchauffement mais d’apprendre à vivre avec.

«Pendant que le monde invente des techniques pour faire face au réchauffement climatique, ces écolos à la petite semaine démolissent tout ce qui protège l’environnement mais met en danger leur vision déclinante du monde.» La charge est signée Philippe Nantermod, dans une chronique pour «Blick», où il saluait la décision française de dissoudre le collectif d’activistes du climat «Les soulèvements de la terre».

Charge qui pourrait sembler anodine et convenue si les provocations récurrentes du conseiller national valaisan ne reflétaient pas, souvent, la pensée profonde de ceux à qui on attribue volontiers à tort ou à raison, le vrai pouvoir en Suisse: tapies derrière le parti radical, la grande économie et les banques.

Ainsi, ce «inventer des techniques pour faire face au réchauffement climatique», délivre plusieurs messages. D’abord, ce sont bien les avancées scientifiques et technologiques qui nous sortiront de la nasse climatique, et pas la sobriété énergétique ni la décroissance générale. Ensuite, il ne s’agit plus de lutter contre le réchauffement, c’est à-dire de vouloir l’arrêter et de le faire reculer, mais de vivre avec. En gros, de s’adapter à une situation inéluctable.

Ce second point s’inscrit dans une petite musique qui commence à monter de partout – et dont on peut supposer bientôt qu’elle sera la fanfare majoritaire –, qui se résume en un seul mot: adaptation.

Revenons un instant en France. Les dirigeants ce pays, comme l’écrit «Le Monde» vont «se préparer à une élévation de 4°C de la température en 2100 en métropole, trajectoire vers laquelle nous mènent les politiques actuelles».

Bref les hautes sphères se contentent désormais de simplement prendre acte du désastre, et sont bien placées pour savoir que rien n’est en réalité fait pour le freiner. Les réponses apportées pourraient bientôt toutes ressembler à celles que prévoit la France: «Un prochain plan national d’adaptation au changement climatique, qui devrait être publié à la fin de l’année.»

L’adaptation se lit encore entre les lignes dans le communiqué publié par treize chefs d’Etat, dont Emmanuel Macron, le premier ministre britannique Rishi Sunak et le chancelier Olaf Scholz. On y alerte bien sûr contre le «risque existentiel pour nos sociétés et nos économies» que génère le réchauffement. On alerte et on s’engage. A quoi? «Avancer sur des mesures concrètes au service de la réalisation des objectifs de développement durable, pour notre prospérité, pour les populations et pour la planète.» Ce qu’il faut sans doute comprendre: dans ce combat-là, ni l’économie ni la prospérité ne doivent être sacrifiées, quitte à ressortir ce vieil et sympathique oxymore de «développement durable».

Ce communiqué a été publié en préambule du sommet qui s’ouvre à Paris qui vise à réfléchir à «un nouveau pacte financier mondial», avec des investissements qui devraient être «plus durables et sociaux», et permettre «aux Etats fragiles» d’être mieux armés «contre le changement climatique et la pauvreté». Bref, on s’attaque désormais aux conséquences non plus aux causes. A ce raout, Alain Berset représente la Confédération.

En Suisse d’ailleurs, la récente victoire de la Loi climat pourrait bien être du genre «à la Pyrrhus». Par rapport à la Loi sur le CO2, refusée par le peuple, le nouveau texte  a gommé toutes les taxes et interdictions pour les remplacer par «des incitations». Là aussi toutes les adaptations seront permises. La loi prévoit par exemple que si le but fixé – à savoir la neutralité carbone d’ici 2050–, se heurte à des dépenses trop lourdes ou des impossibilités techniques, les énergies fossiles pourront continuer à être utilisées.

Ce qui fait dire malicieusement au patron de l’EPFL Martin Vetterli que dans ce contexte – un texte mou face à un constat scientifique accablant – ,l’acceptation par 59% de la population est «un résultat relativement décevant».

Il faut peut-être supposer que le renoncement à enrayer le réchauffement, pour ne pas saborder la prospérité, n’est pas qu’une lubie des élites dirigeantes. L’incorrigible Nantermod clame ainsi que le tort principal des activistes climatiques serait de vouloir «par la force, imposer un modèle dont nous ne voulons pas. Et quand je dis “nous”, je parle simplement de la majorité des citoyens».