TECHNOPHILE

Big Data, grandes opportunités

Chaque entreprise génère aujourd’hui des milliers de données concernant ses clients ou son fonctionnement. Une mine d’or potentielle pour qui sait exploiter les informations qu’elles contiennent.

Quel est le point commun entre les «likes» engrangés sur les réseaux sociaux, les achats figurant sur le compte d’une carte de fidélité, ou les mesures des capteurs d’une usine? Elles constituent autant d’informations qui peuvent, si elles sont analysées correctement, faciliter la prise de décision ou optimiser les processus d’une entreprise.

«Le traitement automatique des messages de plainte reçus, croisé avec l’analyse des ventes, permet par exemple à une entreprise mettre rapidement en évidence un problème lié à un produit vendu dans une boutique, explique Jérôme Berthier, responsable du Big Data au sein de l’entreprise informatique lausannoise Elca. Ainsi, les mesures nécessaires peuvent être prises de manière extrêmement ciblée.»

Exemple avec les vannes connectées de Cla-Val, une PME américaine dont le siège européen est basé à Romanel-sur-Lausanne. Installées dans les systèmes de distribution d’eau de plus de 70 pays depuis 2016, elles ont permis à la firme de diviser par deux les coûts d’intervention. «Grâce à l’analyse des données nous pouvons contrôler avec précision le fonctionnement de nos vannes dans le monde entier, dit Hugo van Buel, directeur général de Cla-Val Europe. Si un problème survient, le technicien n’est pas obligé de prendre le premier avion, mais il peut évaluer la situation et prendre des décisions depuis son ordinateur.»

Les Transports publics fribourgeois (TPF) utilisent l’analyse de données depuis une année et demie, notamment pour concevoir les horaires des lignes ou gérer les remplacements en cas d’arrêt maladie. «Grâce à l’application de l’informatique décisionnelle, nous avons constaté une hausse de 300’000 km de la distance parcourue par nos véhicules, sans engendrer d’augmentation des coûts», détaille Grégoire Ramuz, responsable informatique des TPF. L’entreprise utilise également le Big Data pour centraliser les informations sur sa flotte de véhicules, ce qui permet d’optimiser sensiblement les coûts de maintenance.

Pénurie d’experts

Les analystes de données et les experts de l’informatique décisionnelle vont devenir des professionnels très demandés sur le marché de l’emploi. La Suisse ne compte aujourd’hui pas plus qu’un millier de «data scientists», estime Xavier Comtesse, cofondateur du think tank Manufacture 4.0 et coauteur du livre «Data entrepreneurs». Les entreprises qui souhaitent embaucher ces talents vont donc devoir se battre pour en trouver: la Commission européenne estime que près de 420’000 postes de ce types n’ont pas pu être pourvus au sein de l’UE en 2016 en raison de la pénurie de candidats adaptés.

Mais les PME peuvent-elles seulement concurrencer les multinationales pour d’attirer ces profils? Pour Xavier Comtesse, les petites et moyennes entreprises ont plutôt intérêt à miser sur la formation continue de leur personnel interne: «Un jeune comptable ou un informaticien peut acquérir les compétences nécessaires à tirer profit des données d’une PME simplement en se formant en ligne avec un MOOCs.»

Il y a urgence: «Les PME ont déjà vécu des tournants importants, comme l’arrivée de l’informatique vers la moitié des années 1980. Elles doivent se lancer tout de suite dans ce nouveau domaine, d’abord en formant leurs employés, ensuite en achetant des machines adaptées.» René Fell, directeur du groupe informatique Abissa, partage cette analyse: «C’est vraiment le dernier moment. L’avantage compétitif d’une bonne maîtrise de l’analyse de données, notamment dans l’e-commerce, sera bientôt décisif.»

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L’amateurisme pourrait bientôt coûter cher

L’Union européenne prépare un nouveau règlement cadre sur la protection des données auquel les entreprises suisses qui offrent des produits et services aux citoyens des Etats membres de l’UE devront se conformer. Son entrée en vigueur est prévue pour le 25 mai 2018. «Chaque utilisateur devra être informé très clairement sur l’utilisation qui sera faite de ses données, c’est le principe du ‘consentement éclairé’, explique Florian Ducommun, avocat au sein du cabinet lausannois HDC, spécialiste du domaine. Le non-respect de cette directive engendrera des sanctions pouvant aller jusqu’à 4% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise concerné. Investir dans la sécurité informatique et dans une politique de confidentialité adaptée devient capital. «A un peu moins d’une année avant la mise en œuvre de la nouvelle législation européenne, le moment est idéal pour commencer à se mettre aux normes. Si l’on part de zéro, un conseil personnalisé et une ‘privacy policy’ correspondant au modèle d’affaires de l’entreprise coûtent environ 2’500 francs. Un audit des données existantes, ainsi qu’une analyse d’impact, sont plus chers et dépendent de plusieurs variables. Ils restent néanmoins nécessaires.»

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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.