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Mix et remix

Le débat sur le nucléaire est relancé par le biais d’une initiative demandant la levée de l’interdiction de construire de nouvelles centrales. Les arguments pour et contre n’ont pas changé. Le contexte si. A chacun d’affuter ses œillères.

Les belles soirées passées à s’écharper sur le nucléaire n’appartiennent plus au passé. Lancée par des élus de droite et les milieux économiques, une initiative vise en effet à lever l’interdiction de construction de toute nouvelle centrale, décrétée en 2017, avec la bénédiction du bon peuple souverain. Aussi souverain qu’il a bien le droit, de temps en temps, de se tromper.

L’affaire pourtant, semblait entendue après Fukushima et les réactions en chaîne que la catastrophe a généré: réactions toutes en émotion et précipitation. Avec le pompon pour l’Allemagne qui préférait, sous la fébrile et naïve conduite d’Angela Merkel, se lier énergétiquement encore davantage au grand satrape russe, roi du gaz et du pétrole, plutôt que de continuer le nucléaire. Le résultat est connu: l’Allemagne, où les Verts sont un des principaux et plus influents partis, s’en remet désormais au charbon, identifié depuis des années comme le pire du pire en matière de réchauffement climatique.

La Suisse a suivi le pavlovien mouvement général de sortie du nucléaire, et il ne devrait normalement plus y avoir de centrales en fonction dans notre pays d’ici 2035.

Mais cela, c’était avant. Avant qu’on se décide enfin à prendre au sérieux la crise climatique et son principal vecteur, le CO2. Avant que le fascisme russe ne vende plus sa manne énergétique au monde libre qu’au compte-goutte et à prix d’or. Avant que la voiture électrique passe du rêve lointain à la réalité immédiate. Avant que le prix de l’électricité n’explose, pour cause de tensions diverses sur le marché européen.

Le texte de l’initiative est plutôt malin puisqu’il attaque par la bande, proposant d’inscrire dans la Constitution l’autorisation de «toute forme de production d’électricité respectueuse du climat». On peut bien sûr gloser à l’infini sur le degré de respect du climat attribuable au nucléaire, mais ce qui est sûr c’est qu’il est très supérieur à celui du charbon, où sont renvoyés, selon l’exemple allemand, les pays ayant choisi de se priver de l’atome.

Pour autant les vieux arguments des anti-nucléaires n’ont pas pris une ride. Oui, les centrales n’offrent pas une indépendance totale puisqu’il faut importer de l’uranium, russe par exemple. Oui, la durée de construction est longue, bien longue pour faire face aux situations d’urgence que nous connaissons. Oui, les coûts d’entretien sont élevés. Oui, les déchets, même si des solutions crédibles d’enfouissement et de traitement existent, restent un problème sérieux.

La conclusion naturelle à laquelle arrivent les anti-nucléaires est de tout miser sur les énergies renouvelables. Sauf qu’à l’instar du nucléaire, ces énergies ont chacune leur gros talon d’Achille. L’aspect très aléatoire de l’éolien n’est plus à démontrer –on a beaucoup remarqué cet été les températures élevées, moins l’absence totale de vent. Le solaire, le plus prometteur sans doute des renouvelables, se heurte à un obstacle humain quasi infranchissable: pour que son apport soit significatif il faudrait couvrir de panneaux tous les toits du pays et donc pouvoir compter sur le bon vouloir et le civisme des propriétaires de bâtiments. S’agissant de la géothermie, également prometteuse, les principaux projets en Suisse se sont jusqu’ici, comme on sait, tous terminés de la même façon: petit tremblement de terre et grosse déception. Enfin le parc hydroélectrique n’est pas extensible à l’infini.

Alors? Alors une fois n’est pas coutume, il faudrait peut-être regarder du côté de la France macronienne, où c’est le choix du mix énergétique qui est devenu la doctrine officielle. Mais, à la différence de la Suisse, un vrai mix, qui inclut le nucléaire: construction de nouvelles centrales, sans rogner sur les moyens mis pour le développement des renouvelables –les éoliennes offshore par exemple, dans le cas français.

L’urgence et les crises en cascade semblent plaider pour cette solution consistant à n’exclure, –sauf le charbon pour des raisons climatiques évidentes–, aucune source d’énergie. A ne pas jouer l’une contre l’autre. Du mix, encore du mix, toujours du mix. Si l’on souhaite bien sûr continuer à mener la vie confortable qu’on mène aujourd’hui.

Car l’alternative existe et c’est encore le roi Macron qui l’a résumée le mieux, sous les quolibets et le bois vert qui accompagnent généralement la vérité: vivre comme les Amish.