LATITUDES

Combiner pour mieux circuler, les promesses de l’intermodalité

Des parkings-relais aux flottes de vélos en libre-service jusqu’au développement des transports publics, les options visant à diversifier les modes de mobilité se révèlent indispensables dans des régions à haute densité comme l’arc lémanique.

«Le Léman Express me facilite beaucoup les choses, je le prends tous les jours. Il n’y a que lorsque j’ai prévu de sortir le soir à Genève que je prends ma voiture, pour pouvoir rentrer quand j’en ai envie.» Enseignante à Genève, Alice habite à Reignier (F) et a opté pour cette nouvelle forme de mobilité combinée. La mise en service du Léman Express en 2019, conjointe à celle de la ligne de tram reliant Genève à Annemasse, a entraîné 44% de ses usagers à réduire l’utilisation de leur voiture, et 7% d’entre eux de s’en débarrasser, selon l’étude de la communauté du Grand Genève. «Particulièrement sur le tronçon Annemasse-Évian, on peut voir en journée des centaines de voitures garées dans des champs et aux abords des gares, ce qui illustre que l’on peut très bien faire de l’intermodalité même quand les infrastructures ne sont pas (encore) totalement là», observe Vincent Kaufmann, professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et directeur scientifique du Forum Vie Mobiles.

«L’idée d’intermodalité repose sur le principe d’avoir un système de transport alternatif à la voiture composé de plusieurs autres moyens de transport, dans les grandes villes», poursuit le professeur. La démarche a ainsi pour but de fluidifier le trafic, et de réduire la part du transport individuel motorisé, source de nuisances. À ses débuts, l’intermodalité consistait essentiellement à stationner sa voiture aux abords d’une gare puis à prendre le train. L’offre s’est aujourd’hui prodigieusement étoffée avec la création de parkings-relais (P+R) reliés au réseau de transports publics et/ ou à une station de vélos en libre-service, à des systèmes d’auto-partage et de covoiturage, ainsi que par le développement des lignes de transports en commun.

P+R aussi pour les vélos

Le Canton de Genève compte par exemple 23 P+R répartis le long de la frontière cantonale. «Avec la flexibilisation des modes de déplacement, notamment due au télétravail, nous avons perdu des abonnés à l’année mais gagné des usagers occasionnels, qui utilisent nos infrastructures à la journée ou à l’heure», détaille Damien Zuber, directeur de la Fondation des parkings, qui gère 17 parkings sur les 22 que compte le canton. L’État de Genève prévoit d’ailleurs la construction de cinq nouveaux P+R dans les années à venir.

La Fondation des parkings s’efforce également de proposer des vélostations sécurisées dans la plupart de ses infrastructures. Près de 3’000 places, à un prix inférieur que le prix coûtant, s’accompagnent de dispositifs pour recharger sa batterie ou gonfler ses pneus et sont à l’abri des déprédations et du vol. «L’usage du vélo constitue un levier très important pour diminuer le trafic individuel motorisé, mais il faut s’en donner les moyens», dit Damien Zuber. Dans le canton de Vaud, il est prévu de réaliser une trentaine d’interfaces de transport, incluant pour une grande partie des P+R, dans les années à venir.

Alternatives pratiques

«La mobilité représente environ 40% des émissions de gaz à effet de serre, témoigne Pierre-Yves Gruaz, directeur général de la Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud (DGMR). Le levier principal pour réduire cette tendance est le report modal, c’est à dire le transfert d’un mode de transport à un autre, car la grande partie de ces émissions est due au trafic individuel motorisé.»

Certains tronçons vaudois ont connu une progression spectaculaire des usages quotidiens, avec par exemple une augmentation de 153% d’utilisateurs sur la ligne du RER Vaud Lausanne-Renens entre 2004 et 2019. Le développement du réseau cyclable est également au programme avec la construction de 500 km de voies cyclables dans les 10 ans à venir alors que 60 km ont été établis ces 10 dernières années.

Commerçant au centre-ville de Lausanne, Malik, la trentaine, vit à Saint-Georges (VD). Il a essayé un temps de rallier son lieu de travail en car postal et en train, mais le trajet porte-à-porte lui prenait 1h30, alors qu’en voiture il compte 40 minutes en moyenne. Jeune papa, il préfère économiser ce temps pour le passer avec sa famille. «La voiture reste un moyen de transport très flexible, qui permet d’aller partout. Il est difficile de rivaliser», constate Vincent Kaufmann. Pour que l’intermodalité fonctionne, plusieurs ingrédients doivent ainsi être réunis. «Il faut que les dispositifs soient simples d’utilisation. Un système de billettique intégré qui permet d’accéder autant à un parking public qu’à une voiture partagée mais aussi de régler son billet de bus est un bon exemple. La sécurité est également primordiale, ainsi que l’assurance d’arriver à destination. Un certain confort doit être pris en compte, avec des temps d’attente restreints, la présence d’un abri aux lieux de transit, etc. Le prix joue également un rôle, mais ce n’est pas le critère prédominant.»

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans la Tribune de Genève.