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Qui vivra Vara

Étoile montante des Verts neuchâtelois, la jeune avocate Céline Vara s’apprête à débouler sur la scène fédérale. Partisane d’une écologie prioritaire, elle reconnaît concevoir l’arène politique comme un tribunal.

Les nouvelles têtes présentent cet avantage, que personne ne pourra leur enlever, pour un temps du moins, car il n’y a pas plus éphémère: être nouvelles, justement.

Voilà donc déjà un bon point pour l’avocate neuchâteloise Céline Vara. Qui? Vara Céline. Une jeune femme de 33 ans qui s’apprête à devenir vice-présidente des Verts suisses. Ainsi que probable candidate au Conseil national en 2019, histoire de récupérer le siège vert neuchâtelois piqué par les faux frères rouges du POP.

Fille d’immigrés siciliens, même si son père est arrivé enfant en Suisse, elle s’est spécialisée dans le droit de la santé et des biotechnologies et s’est associée avec Claude Nicati. Aïe, voilà déjà un mauvais point, diront les pinailleurs, si l’on se réfère aux cuisants souvenirs qu’a laissés le dit Nicati lors de son bref passage au Conseil d’Etat.

Glissons: Céline Vara enjambe les haies du cursus politique sans trop mollir. Législatif de Cortaillod, exécutif de la même commune, présidence du parti cantonal, députée. Et des résultats canons pour sa formation lors des élections cantonales de 2017, avec un gain net de cinq sièges.

Du coup, elle attire la lumière. Et les premiers grincements de dents qui vont avec: certains déjà lui trouvent des allures de «maîtresse d’école».  Le genre, répercute la presse locale, à soliloquer «pour apprendre la politique aux autres».

On pourra objecter que maîtresse d’école c’est une bien belle profession, avant que de constituer une véritable insulte. Elle, en tout cas, présente la chose autrement: «Je ressens un impératif besoin d’argumenter pour emporter le morceau. Comme au tribunal.»

Des arguments qui épousent parfois la forme très reconnaissable de la massue. Ne défend-elle pas le renouvelable avec cette question fracassante: «Savez-vous que le Soleil en une heure apporte à la Terre la quantité totale d’énergie que l’humanité consomme en une année?» On commence à mieux comprendre cette histoire de maîtresse d’école.

Et quand ce n’est pas la massue, place à la kalachnikov. Lorsque l’UDC dépose un amendement pour installer des barbelés à la frontière en guise de lutte contre l’immigration illégale, Céline Vara rétorque: «La suite, c’est quoi? Poser des mines antipersonnel?»

La Neuchâteloise semble douée d’une façon très dans l’air du temps de renvoyer dos à dos les vieux mondes, de droite comme de gauche. Si elle a choisi les Verts, explique-t-elle, c’est parce qu’ils ne doivent «rien à personne, ni à l’économie, ni aux syndicats». Même si, objectera-t-on, un pays sans économie ni syndicats risquerait de ressembler à un enfer labellisé.

Autre indice qui pourrait faire penser que Céline Vara est bien une politicienne qui rame avec son temps. Elle commence certes par dire, quoi qu’en s’excusant presque, que «sans prétention», elle a «toujours voulu défendre des causes». Avant de cracher le vrai morceau, sa vraie conception du combat politique: «Je veux faire profiter mon parti de mon énergie et de mon réseau.» Energie et réseau, tout cela sent son Obama et son Macron, le goût d’une politique tout en images et performances, plus qu’en réalisations concrètes.

Encore qu’il conviendrait de se méfier. Céline Vara ne semble pas craindre la pratique d’une écologie un tantinet punitive. Elle raconte dans «Le Temps» avoir dû, comme municipale à Cortaillod, «installer des caméras de vidéosurveillance pour combattre les déprédations à l’écopoint de la déchetterie».

Ajoutons qu’elle pratique, cela n’étonnera personne, l’écriture inclusive comme elle respire. Surtout les soirs de déroute électorale, comme en 2015 après un scrutin fédéral particulièrement défavorable, où elle pointe des «politicien-ne-s destructeurs-trices qui se portent candidat-e-s uniquement pour défendre leurs intérêts personnels», convaincue pourtant «qu’ils/elles seront démasqué-e-s tôt ou tard».

C’est enfin à l’aide d’un proverbe maison qu’elle affirme la priorité de la lutte écologique sur toute autre forme de combat, quitte à froisser quelques oreilles de gauche: «Je suis profondément convaincue que si l’eau de l’aquarium est saine, les poissons se portent bien. Il ne sert à rien de se battre pour le social ou tout un tas d’autres choses si on ne peut ni respirer ni manger».

Qu’on ne s’y trompe pas: Céline Vara connaît parfois le doute: «Je me suis souvent demandé si je devais paraître moins dure. Mais en suis-je capable?» Comme on dit, peut-être, à Cortaillod comme ailleurs: qui vivra Vara.