TECHNOPHILE

Le monde à l’ère des algorithmes

Les algorithmes informatiques apparaissent comme la réponse à toutes les questions et problèmes de notre société numérisée. Mais d’où vient ce mot bizarre et que recouvre-t-il?

Alors que nos vies sont de plus en plus placées entre les mains de multiples algorithmes, j’ignorais tout de l’origine de ce nom bizarre. J’utilisais la lettre «y» en lieu et place du «i», imaginais une parenté entre algorithme et rythme… Suis-je stupide! Après avoir massacré son orthographe, je me suis enfin souciée de l’étymologie de ce mot.

Ce terme a été forgé à partir du nom d’un célèbre mathématicien persan du 9ème siècle qui introduisit en Occident la numération décimale, Monsieur Al Khwarizmi, devenu en latin Algoritmi. Il fut le premier à proposer une théorie systématique du type de procédure qui constitue aujourd’hui le coeur de la science informatique.

Mais qu’est-ce qu’un algorithme? Il s’agit d’une suite finie d’opérations qui permettent de donner la réponse à un problème. Dans la mesure où les processus répétitifs des algorithmes peuvent être mécanisés aisément, l’informatique y a trouvé un élément essentiel de son développement. Un problème se présente-t-il dans notre société numérisée, on compte sur un algorithme pour le solutionner. Un nouveau credo prend forme: le salut passe par les algorithmes.

Les algorithmes interviennent dans un grand nombre de processus de décision; ils estiment les possibilités de récidives d’un criminel, cartographient les épidémies de grippe, fixent les tarifs des avions et des trains, écrivent des livres, composent des symphonies, remplacent les recruteurs dans les entreprises, trouvent l’âme soeur sur les sites de rencontres… Qu’un algorithme tourne à l’envers, comme en août 2012, et c’est Wall Street qui disjoncte. Plus aucun secteur n’échappe à ces «nouveaux maîtres du monde».

Sans le savoir, nous avons tous fait usage d’algorithmes. Avec les quatre opérations arithmétiques, tous les élèves sont confrontés aux algorithmes dans leur parcours scolaire. D’autres situations de nature algorithmique leur sont enseignées. Ainsi, la construction de figures en géométrie euclidienne, la transcription des «formules» moléculaires en chimie ou l’analyse fonctionnelle en technologie sont autant de situations évoquant des algorithmes.

En informatique, on distingue aujourd’hui des algorithmes génériques et d’autres spécifiques. Les génériques permettent de trier et de transporter l’information sans s’occuper de son contenu. Il peut s’agir de textes, de chiffres, de photos ou de films, les suites de 0 et de 1 qui composent cette information seront identiquement stockées, cryptées, transmises. Les algorithmes spécifiques effectuent eux des tâches délimitées. Le public connaît le mp3 qui comprime les sons, ou le jpeg, qui comprime les images. Ces algorithmes sont nécessaires pour trier et classer les données. La génétique, la biologie, l’astronomie, la physique ou la médecine ne pourraient se concevoir sans toutes les potentialités du calcul algorithmique.

Menaces potentielles

Pas de robots sans algorithmes. Je l’ai appris de «la bouche de Madame Algorithmes», soit Aude Billard, lors d’une conférence intitulée «Robots et humains…robot ou humain?» (le 17 janvier dernier à Delémont). Cette jeune femme, scientifique de haut vol, dirige le Laboratoire des algorithmes et systèmes d’apprentissage (cialis made in canada) à l’EPFL. La principale difficulté rencontrée pour créer des robots capables d’imiter nos gestes consiste en la planification de leurs mouvements. La solution passe par… des algorithmes.

Solutions de maints problèmes, les algorithmes ne sont-ils pas aussi sources de nouveaux problèmes? Dans son dernier livre, Automate This: How Algorithms Came to Rule Our World, le journaliste américain Christopher Steiner les perçoit comme des menaces potentielles: «Dans la mesure où les algorithmes se substituent aux humains, ce qui m’inquiète, c’est notre dépendance excessive à l’égard de ces programmes, l’absence d’options de court-circuitage, l’insuffisance de tests de contrôle. On considère ces technologies comme banales, sans s’interroger sur leurs conséquences.»

Au début de l’année, l’algorithme de Google conseillait de vendre des actions Apple. Le moteur de recherche a affirmé que ce résultat était «le pur fruit involontaire de son algorithme». «La faute à l’algorithme», une formule sans doute promise à un bel avenir.