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Sortir du nucléaire, mais pour aller où?

Des centrales à gaz coûteuses et polluantes. Un courant vert trop cher et en proie à des mauvaises volontés. Comment, avec ça, dessiner une politique énergétique crédible? Opinion.

Dans l’émotion qui a suivi la catastrophe de Fukushima, il était facile de décréter solennellement la sortie du nucléaire. Ce que le Conseil et les chambres fédérales se sont empressés de faire, avec une hâte curieusement inhabituelle.

Une politique initiée sous le double aiguillon de la peur et de la précipitation peut-elle jamais donner de bons résultats?

L’heure aujourd’hui est venue de dire par quoi devrait être remplacée la puissance de l’atome. En constatant déjà que les solutions possibles, qui ne sont pas légion, paraissent toutes très loin de susciter l’enthousiasme.

Les centrales à gaz d’abord, dont les défauts sautent aux yeux: coûteuses et surtout diablement polluantes. Même pour une phase de transition comme le veut Doris Leuthard — étalée sur plusieurs décennies –, ces centrales à gaz représentent un gros pas en arrière, quel que soit le nombre retenu.

A l’heure précisément où l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) annonce pour 2010 ce brillant résultat: une hausse de 3,4% des gaz à effet de serre émis en 2010 par la Suisse. La gauche s’indigne déjà et la droite ricane. Sur l’air de «on vous l’avait bien dit que sortir du nucléaire, ça ne serait pas de la tarte».

Quant au potentiel du courant vert — hydraulique, éolien, solaire –, il donne jusqu’ici surtout lieu à une bataille de chiffres fort contradictoires entre experts, avec toute une gamme d’avenirs hypothétiques, dessinés à la hâte, du plus mirobolant au plus rachitique.

Le Conseil fédéral vient de redire son scepticisme envers l’éolien — trop d’atteintes aux paysages — et sa foi dans le potentiel de l’hydro-électrique. Sauf qu’il y a urgence et que les projets déjà dans les cartons, en Valais comme aux Grisons, verront fleurir une levée de boucliers chez les amis de la nature, ainsi que des oppositions de tout ordre, occasionnant des retards considérables.

Restent les économies d’énergie substantielles à attendre notamment d’un assainissement général des bâtiments. Mais comme pour le courant vert, tout cela a un coût et pourrait se heurter à nombre de résistances, pas toujours bien intentionnées, aussi bien privées que politiques.

Que faire, donc? Manger son chapeau et se retourner vers le bon vieux nucléaire? Politiquement impensable. D’autant que les milieux de l’atome, à force de vivre dans un déni perpétuel de tout accident, de jurer bien trop vite et bien trop tôt leur grands dieux que plus rien jamais ne pouvait arriver, ont perdu toute crédibilité, toute capacité surtout à défendre le pourtant défendable, à faire valoir que le nucléaire nouvelle génération apporterait des garanties de sécurité jamais égalées — ce qui pourrait sembler logique — et que le temps ne devrait faire, technologie aidant, que travailler à l’avènement d’une industrie forcément de plus en plus sûre.

Au lieu de quoi les têtes les mieux pensantes de l’atome, ingénieurs et physiciens les plus pointus, apparaissent aujourd’hui comme de dangereux, d’irresponsables apprentis sorciers. Et peu importe qu’ils ne le soient pas.

Alors? Alors une seule certitude: il s’avérera de plus en plus en difficile, de plus en plus puéril, de laisser croire que puissent cohabiter ces deux folles aspirations politiques, contemporaines et néanmoins contradictoires: la croissance perpétuelle et l’abandon du nucléaire. Ce sera probablement l’une ou l’autre. Faites vos jeux.