GLOCAL

La formule magique, bonne pour le pays des fées

Radicaux et UDC invoquent une concordance surannée pour réclamer l’éviction de Widmer-Schlumpf. Dommage qu’ils aient contre eux un méchant problème de compétences.

Pauvre Eveline! Dans le gruppetto des sortants mais aussi des nouveaux prétendants au Conseil fédéral, elle est de très loin celle dont la légitimité à briguer le poste paraît la plus contestée.

Par incompétence? Manque d’envergure? Que non point, l’une et l’autre lui sont largement reconnues, attestées, par ses expériences gouvernementales grisonnes et bien sûr ses quatre premières années passées à Berne.

Mais voilà, Widmer-Schlumpf comme on sait, n’a pas derrière elle les troupes électorales suffisantes pour lui conférer, selon la sacrosainte formule magique, le droit automatique de continuer à siéger parmi les sept sages. Quel crédit accorder pourtant à une pensée et des calculs qui se reconnaissent eux-mêmes comme magiques? C’est à Berne qu’il va falloir gouverner, pas aux pays des fées.

Et puis désormais quelle est la formule vraiment magique, l’équation qui serait la plus concordante? Allez savoir avec les résultats très éclatés du 23 octobre. Selon l’historien spécialisé du Conseil fédéral Urs Altermatt, la nouvelle potion magique devrait se décliner ainsi: 2 sièges pour les deux plus forts (PS et UDC) et un siège pour les trois viennent ensuite, à savoir PDC, radicaux et nouveau centre.

Un nouveau centre, gagnant incontestable des élections, composé du PBD et des Verts libéraux, et dont Widmer-Schlumpf apparaît comme le représentante naturelle, elle aux positions certes plutôt droitières mais qui a fait basculer le Conseil fédéral dans le camp des antinucléaires.

Cette nouvelle magie laisse la grande presse alémanique de marbre — la NZZ, le Tages Anzeiger, le Bund et la Weltwoche sommant quasiment la cheffe du département des finances de s’en aller. Au nom toujours de l’algèbre enchantée appelée concordance, mais l’ancienne, la veille concordance, et qui semble avec ses incantations peser tellement plus que cette simple, cette évidente réalité: un bon bilan — celui de Widmer-Schlumpf.

C’est non sans raison que le président du PBD, Hans Grunder fait valoir, pour justifier le maintien de son Eveline, «l’intérêt du pays». La pensée magique, alliée à une incurie de gauche, ayant déjà privé le gouvernement d’une personnalité d’envergure en recalant Karin Keller-Sutter, on aurait pu penser en avoir fini avec l’habituelle et concordante prime à la médiocrité.

Eh bien pour Fulvio Pelli, ce n’est pas encore assez, lui qui qualifie Widmer-Schlumpf «d’élément perturbateur», dans une variation amusante du «c’est celui qui dit qui l’est». Quel que que soit le bout par lequel on empoigne l’affaire, c’est en effet chaque fois le maintien de deux radicaux qui semble surtout «perturbateur».

Parce qu’il se ferait au détriment mathématique de l’UDC, ou volerait la victoire peu contestable d’un nouveau centre en pleine émergence. Perturbateurs aussi les radicaux, si l’on s’en tient au seul critère de la compétence, avec l’un des deux leurs sans cesse suspecté de ne pas être de taille.

Pire — c’est l’affuté correspondant parlementaire D.S. Mieville qui le rappelle: les sortants risquant fort de s’accrocher chacun à leur ministère, maintenir deux radicaux au Conseil fédéral aurait pour épineuse conséquence de confier le délicat département des finances à un UDC «aux compétences fort incertaines» ou à «une grosse pointure socialiste». Dans les deux cas, une hérésie, selon du moins le catéchisme radical, précisément.

Tant donc du point de vue de la magie comptable que de la valeur intrinsèque, un radical devrait s’en aller. Sauf que les radicaux n’ont pas le monopole des «compétences incertaines » avec une UDC en train de faire la preuve qu’elle n’est pas encore un parti gouvernemental, elle qui se montre incapable de sortir de son pourtant encore vaste chapeau le moindre candidat crédible. Genre «un directeur des Finances des Rhodes Extérieurs ou un chef de l’instruction publique de Nidwald».

Bref, si l’on additionne la formule magique, le critère de la compétence pure et l’impréparation de l’UDC, on arrive à cette imparable conclusion: quel que soit le scénario adopté — maintien de Widmer-Schlumpf, au détriment d’un UDC ou d’un radical, ou son éviction au profit d’un UDC — il y aura forcément un maillon faible. Qu’il se nomme Schneider-Amman ou Albert Rösti.