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Enfantin comme la loi climat

Un nouveau texte, plus sympathique, remplace celui sur la limitation du CO2, défait dans les urnes. Une opération de séduction qui pourrait se payer par une moindre efficacité.

La démocratie directe, c’est enfantin. Une loi est rejetée par le peuple, on en représente une autre, à peu près la même, mais sans les éléments qui fâchent trop ostensiblement. Une loi toute gentille, toute propre, débarrassée de ses chiffons rouges pour éviter de voir à nouveau le taureau populaire ruer dans les brancards toujours incertains des urnes.

Ainsi, après le rejet de la loi CO2 en 2021, voici un nouveau texte à l’énoncé déjà plus sympathique: la loi climat. La couleur est annoncée dans le titre même: on replace une notion négative – le CO2, chacun le sait ce n’est pas bien – par un élément positif et lumineux: le climat. Qui donc pourrait être contre?

Le ripolinage ne s’arrête évidemment pas là. Adieu à toutes les taxes et interdictions, qui reviendront sans doute une fois la loi adoptée via les mesures d’application. Adieu aussi aux boucs émissaires nommément désignés dans l’ancien texte: la loi climat, contrairement à la loi CO2, cesse par exemple de menacer et de faire honte au monde paysan.

Que reste-t-il alors? De bons gros principes, qui ne mangent aucun pain, et contre lesquels il est presque impossible de ferrailler sans mauvaise foi: la nécessité par exemple d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

L’effort de séduction ne se limite pas là: les taxes et interdictions ont été astucieusement remplacées, comme savent le faire les meilleurs marchands de tapis, par des «incitations», autrement dit du bel et bon argent versé aux héros et méritants du climat.

Comme, au hasard, les braves citoyens qui se décideront à remplacer leurs vieilles chaudières forcément polluantes, ou les entreprises qui feront l’effort d’utiliser des technologies «innovantes», mot particulièrement magique, pas trop défavorables au pauvre climat malmené. Quelques milliards seront ainsi lâchés par une bourse confédérale, d’ordinaire moins spontanément généreuse.

Résultat de ce ravalement de façade mené tambour battant: tout le monde est pour le nouveau texte. Sauf bien sûr l’UDC, mais surtout dans un réflexe habituel consistant à entretenir sa difformité génétique: être un parti gouvernemental qui ne vit et ne prospère que par l’opposition systématique.

Conseillère nationale genevoise PLR, Simone de Montmollin résume parfaitement, dans le Temps, la nouvelle donne et le résultat ébouriffant de ce tour de passe-passe: «Même les soutiens à la loi CO2, dont j’étais, avaient du mal à l’expliquer, tant elle mêlait interdictions, taxes et mesures coercitives. Ce nouveau texte cesse également de fustiger un secteur entier pour le considérer comme partie prenante dans la cause climatique.» Il aura quand même fallu de rudes et vifs débats internes pour que l’Union des paysans consente à soutenir le nouveau texte.

Bref tout semble aller pour le mieux dans un monde où, dans la lutte contre le réchauffement, on s’enthousiasme à servir du réchauffé: la loi climat, ainsi relookée, parait bien partie pour triompher le 18 juin prochain en verdict populaire.

Reste juste à savoir si une loi qui ne fâche, ne bouscule personne ni n’interdit rien, sera capable de secouer l’inertie générale pouvant expliquer que jusqu’ici, en Suisse comme ailleurs, aucun des objectifs climatiques intermédiaires fixés, en attendant le graal de la neutralité carbone, n’ait été atteint.