LATITUDES

«Mamma Mia!», s’écria l’enfant de Rachida

Rachida Dati garde secrète l’identité du père de son enfant. Et si elle l’ignorait elle-même? C’est l’hypothèse développée dans ce petit exercice de politique fiction inspiré par un film actuellement sur les écrans.

En 2028, dans sa luxueuse résidence, Rachida Dati attend fébrilement les invités. C’est le jour du mariage de sa fille. La fièvre est montée d’un cran ce matin quand la jeune femme a donné connaissance de la liste — jusque là tenue secrète — des personnes attendues à la cérémonie. Quel choc! Que de retrouvailles délicates en perspective! «Pourquoi n’ai-je pas écouté mon intuition?», ressasse l’ex-garde des Sceaux. Elle aurait pu s’épargner pareille situation… Après avoir vu «Mamma Mia!», dont la sortie sur les écrans avait coïncidé, en automne 2008, avec l’annonce de sa grossesse, elle avait pourtant pris la résolution de ne pas se laisser entraîner dans une histoire aussi rocambolesque que celle de ce film… Pour ceux qui ne l’auraient pas vu, en voici le synopsis. Nous sommes en 1999, sur l’île grecque de Kalokairi, dans un hôtel tenu par Donna (rôle joué par Meryl Streep). Sa fille Sophie, âgée de 20 ans, s’apprête à se marier et elle ignore qui est son père. Après avoir pris connaissance du journal intime de sa mère, elle a adressé trois invitations destinées à trois hommes bien différents dont elle pense que l’un d’eux est son géniteur. De trois points du globe, trois hommes retournent sur l’île — et vers la femme — qui les avait enchantés vingt ans auparavant. Revenons à Rachida. En 2008, bien décidée à ne rien dévoiler publiquement du père de son enfant, elle avait fait la une des médias pendant plusieurs mois. Une excellente opération en image, alors que sa cote chutait. En revanche, elle avait prévu d’épargner à sa fille les tourments de Sophie en lui dévoilant, un jour, qui était son père. Vingt ans, ça passe vite, et le jour n’était toujours pas arrivé. Mamma mia! Contrairement à Sophie, la jeune femme n’avait pas eu à plonger dans le journal intime de sa mère pour trouver les candidats à la paternité. La presse de l’époque s’était chargée d’en établir des listes plus ou moins sérieuses — même le pape avait été cité, alors que le Canard Enchaîné (10.09.2008) avait évoqué la piste de l’immaculée conception… La jeune femme avait hâte de connaître son géniteur. Parmi les candidats mentionnés par la presse de 2008, la tête d’un animateur de TV prénommé Arthur lui plaisait bien, mais ne correspondait en rien à sa propre physionomie. Idem pour le premier ministre espagnol José Maria Aznar. Quant à Henri Proglio, le président de Veolia Environnement, ou Dominique Desseigne, président d’un important groupe d’hôtels de luxe et de casinos, leurs faciès sérieux ne lui inspiraient aucune émotion filiale. Enfin, le mystérieux cialis jelly que Nicolas Sarkozy avait évoqué sans le nommer un certain jour de septembre, elle s’en méfiait. Ne s’agissait-il pas là d’une fausse piste? Aucun membre du gouvernement ne partageait avec elle une quelconque ressemblance physique. Qu’importe, la future mariée avait néanmoins cru bon d’inviter toutes les anciennes stars, encore en vie, du régime sarkozyste. Un invité, surprenant de prime abord, venait compléter ce beau monde: l’ancien gynécologue de Rachida. En dépouillant la presse parue durant sa vie fœtale, la jeune femme était tombée sur un article relatant la grossesse tardive d’une Française devenue mère de triplés à 59 ans. Elle y avait appris qu’en France, l’assistance médicale à la procréation (AMP) n’était pas possible au-delà de 42 ans et que cette mère tardive avait dû faire appel à un médecin vietnamien. Quarante-deux ans! C’était justement l’âge de sa mère à sa conception. Dès lors, pourquoi ne pas envisager qu’elle aussi ait eu recours à une fécondation in vitro? Ne lui avait-elle pas confié que c’était souvent en regardant «Top Models», un feuilleton qu’elle qualifiait de «débile», qu’elle se changeait les idées? Or, enquête faite, les épisodes diffusés avant sa grossesse montraient une des héroïnes, Taylor, recourant précisément à une méthode de procréation artificielle. Cela aura-t-il incité sa mère à faire de même? Et si Rachida ne connaissait pas elle-même le donneur de sperme demeuré anonyme? L’hypothèse n’était pas écartée par la future mariée qui, jusqu’au moment de s’approcher de l’autel, rêvait encore que, comme dans «Mamma Mia!», le secret de son origine soit enfin dévoilé.