CULTURE

À la découverte d’un vieux rêve

Al-Ula, province de Médine en Arabie saoudite, constitue une des rares zones du pays où les strictes lois islamiques sont assouplies. Nicolas Righetti s’est rendu en 2022 dans ce désert ultra-modernisé.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans le magazine photographique Météore.

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En 1989, Nicolas Righetti s’était vu refuser l’entrée en Arabie saoudite. Seuls le tourisme d’affaire et les voyages religieux étaient alors autorisés. Le pays s’est ouvert aux touristes internationaux en 2019, mais le photographe genevois a dû attendre 2022 et la diminution de la pandémie de covid pour s’envoler direction Al-Ula.

Cette province de Médine incarne la volonté d’une civilisation en pleine transformation. Gravées dans une roche historique il y a plus de 2000 ans, au cœur du désert, les nécropoles nabatéennes côtoient ainsi des routes flambant neuves et l’ultramodernité d’une salle de concert en forme de cube tout en miroirs.

Cette ambivalence, Nicolas Righetti la ressentira tout au long de son voyage. «L’Arabie saoudite vise la modernisation et l’ouverture progressive du pays d’ici à 2030. Le tourisme à Al-Ula représente aujourd’hui une sorte de monde à part, où certains interdits ne font plus foi. Cet environnement parallèle crée une impression de décalage perpétuel.»

Les visites touristiques constituent par exemple les seules occasions de photographier des femmes. «La représentation photographique des femmes n’est pas officiellement autorisée dans le pays. Or, le contexte particulier du tourisme à Al-Ula permet de transgresser cette règle. Les femmes prennent volontairement la pose face à l’objectif, comme si c’était pour elles une manière de s’affirmer dans cette nouvelle réalité. Pouvoir immortaliser leur regard était tout simplement extraordinaire.»

Ces changements bouleversent un grand nombre d’habitudes, parfois de manière violente. «Le prince héritier Mohammed ben Salmane a basé sa stratégie de renouveau notamment sur les femmes et le travail. Alors que certains estiment ces évolutions trop rapides, d’autres se réjouissent au contraire de cette tendance d’ouverture. Là encore, le contraste est saisissant.»

Vos photographies montrent-elles la liberté?

Nicolas Righetti: «Mon souhait premier consistait à montrer l’ouverture aux touristes internationaux d’un pays jusqu’alors totalement fermé, pas la liberté. Mais je ne peux nier que l’ouverture amène parfois une certaine liberté. J’étais par exemple un des premiers hôtes étrangers de notre guide. En ce sens, oui, j’ai peut-être photographié un début de liberté…»

NICOLAS RIGHETTI, SUISSE

Photographe et cofondateur de l’agence Lundi 13, Nicolas Righetti s’est notamment distingué au travers de ses séries de photos documentaires sur des régimes autoritaires, comme la Corée du Nord, la Biélorussie ou le Turkménistan. Lauréat de plusieurs prix, il a aussi travaillé pour des médias comme Le Temps et la Schweizer Illustrierte.

Découvrir l’artiste ici.