Alliages de haute technologie, météorites, galuchat ou ailes de papillon se mêlent désormais à la joaillerie. L’horlogerie ne se contente plus de métaux précieux pour ses plus beaux modèles.
«Nous assemblons et fixons de véritables ailes de papillons sur nos cadrans», révèle Richard Le Vaillant, directeur général de Stern Créations, une société du groupe Richemont. Ce spécialiste des cadrans fournit les plus grands noms du luxe horloger. «Il s’agit d’une technique qui était assez prisée dans les années 1970. Aujourd’hui, nous voulons remettre au goût du jour ce procédé original en l’améliorant. Nous faisons appel à des fournisseurs – des sortes de chasseurs de papillons des temps modernes – qui nous procurent des ailes. Le savoir-faire réside ensuite dans l’art d’assembler et de fixer les fines écailles sur un cadran.»
Dans les ateliers basés à Meyrin s’accumulent plus de deux mille modèles. Or, pierre de lune, émail, laque de chine ou bois sont des matériaux utilisés quotidiennement, en plus des ailes de papillons. «Nous maîtrisons une technique qui permet de conserver les couleurs chatoyantes des ailes de papillon. Mais je ne peux vous en dire plus, nous tenons à garder nos secrets de fabrication. Nous proposons cette décoration à nos clients pour plusieurs raisons. Il s’agit d’une matière originale et esthétique. En outre, les ailes de papillons sont une source d’inspiration poétique pour les professionnels de la communication des marques horlogères.»
Sans cesse à la recherche de nouvelles idées, la société sait aussi bien travailler les membranes éphémères des lépidoptères que les plumes de paon ou encore les éclats de véritables météorites en provenance de la stratosphère.
«Nous avons beaucoup de demandes pour des cadrans en météorite, indique Richard Le Vaillant. Cette pierre de l’espace est soit ferreuse, soit pierreuse. Nous utilisons la météorite ferreuse pour son aspect lamellaire et pour l’esthétisme des différentes trames visibles. Rolex et Piaget figurent parmi les clients qui nous commandent de telles pièces.»
«La météorite est très recherchée et son marché est en plein développement. Il en existe des fragments un peu partout sur Terre. Mais ils sont plus facilement repérables sur les vastes étendues de sables de Namibie ou les déserts américains», explique Richard Le Vaillant. La météorite est un composant qui fait grimper considérablement les prix d’un chronographe. Comme ordre d’idée, un morceau de météorite brut de quatre dixièmes de millimètres d’épaisseur sur 35 millimètres de diamètre vaut déjà 200 francs suisses. Mais une montre qui vient des étoiles, ça n’a pas de prix…
Difficile d’imaginer que le galuchat, ce cuir rugueux apprécié par la maroquinerie de luxe, provient en réalité d’un poisson. Il s’agit d’une peau de raie plus ou moins finement travaillée par des professionnels spécialement formés à ce tannage. «L’aspect de ce cuir fait penser à des sortes de billes plus ou moins grandes selon la taille et l’âge du poisson, dévoile Raphaël Bertschy, directeur du développement produit chez Zenith. Le galuchat est une matière extrêmement difficile à travailler. La découpe se fait au moyen d’outils spéciaux comme le laser.»
Ce cuir d’exception propulse les prix des pièces de maroquinerie à des sommets. Il est encore plus cher que les peaux d’alligators ou de pythons. «C’est une très belle matière pour une pièce féminine, estime Raphaël Bertschy. Elle est très souple, agréable au toucher et visuellement esthétique. Le galuchat se décline en trois finitions: naturel, poncé ou semi poncé. Notre ligne «Star Sea» s’inspire du milieu marin. Les montres de cette collection sont en nacre, décorées d’une perle. Le bracelet en galuchat s’est donc imposé tout naturellement. Nous sommes également très fier du modèle féminin de bracelet-manchette en vison sortit l’hiver passé. Il existe toujours des matières à découvrir ou redécouvrir.»
«La fibre de carbone est aussi fine qu’un cheveu, explique François Bregnard, directeur technique chez Tissot. En la tissant, on obtient des fils. Et à partir de ceux-là, on crée un tissu de fibres de carbone. Nous avons utilisé ce matériau pour plusieurs de nos modèles, comme la T-Race.» Le carbone est largement utilisé pour les vêtements de ski ou de snowboard. L’horlogerie est sensible à sa puissance d’évocation. «Cette montre s’inspire des courses de voiture et de moto. Le choix de la fibre de carbone était purement esthétique. Mais il nous permettait aussi de faire référence à l’univers des grosses cylindrées. Cette matière noire habille le boîtier de la T-Race. Cela correspond complètement à l’esprit du chronographe.»
Chez Chanel, on a aussi le goût de la haute technologie. La marque a choisi la céramique pour la J12, son modèle star de montre féminine. Ce matériau élaboré en laboratoire présente de nombreux avantages pour des applications techniques. Cette céramique est particulièrement résistante et impossible à rayer. C’est son look qui a séduit le monde de l’horlogerie de luxe.
«Pour la X33, nous voulions innover en apportant une touche sportive au niveau du bracelet», souligne Jean-Claude Monachon, vice-président et directeur du développement produit chez Omega. La célèbre Speedmaster X33 d’Omega, un modèle de 1998, se constitue d’un boîtier en titane et d’un bracelet en kevlar, une fibre synthétique qui se caractérise par sa légèreté, sa résistance à la chaleur et à l’usure. Ce matériau sert en général à fabriquer des raquettes de tennis, des planches à voile ou encore des bâtons de ski.
«Hormis le style que donne le kevlar au bracelet et à la montre dans son ensemble, ce matériau est très résistant à l’usure. Le client pourra porter plus longtemps un tel bracelet qu’un autre en veau ou en alligator. Le boîtier, lui, est en titane, ce qui présente plusieurs avantages. C’est un métal très résistant mais dont la densité est un tiers plus faible que celle de l’acier. Le titane évite aussi les problèmes d’allergie au nickel, puisqu’il n’en contient pas», conclut Jean-Claude Monachon.
Certaines créations horlogères combinent bien souvent plusieurs matières innovantes. Les recherches liées à l’équipement sportif inspirent les horlogers en quête de matériaux novateurs et résistants autant pour l’habillage que pour les composantes internes à la montre, comme les mouvements, par exemple.
Autant de nouvelles matières avec lesquelles l’horlogerie de luxe conjugue désormais technologie et tradition.