LATITUDES

Un Nobel de chimie pour les pionnières de l’édition génétique

Leur technologie révolutionne la médecine et l’agriculture, mais pose aussi d’importantes questions éthiques. Interview des chercheuses Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, qui ont reçu aujourd’hui le prix Nobel de Chimie.

Les biologistes Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna ont reçu aujourd’hui le prix Nobel de Chimie pour le développement de l’outil d’édition génétique CRISPR/Cas9. Une formidable reconnaissance pour ces scientifiques d’exception, dont le travail révolutionne la médecine et l’agriculture.

Depuis plus de cinq ans, les journalistes de Large Network ont consacré plusieurs articles à cette technologie qui pose aussi d’importantes questions éthiques. Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna nous ont toutes les deux accordé des interviews exclusives, pour les magazines In Vivo et Technologist.

Pour comprendre l’importance de leur découverte, vous pouvez retrouver ces articles en suivant les liens ci-dessous.

Un outil qui repousse les limites de la médecine moderne

La biochimiste américaine Jennifer Doudna a créé une technologie révolutionnaire baptisée CRISPR-Cas9. Elle explique comment cette découverte pourrait transformer l’humanité.

Lire l’article ici.

_______

Une nouvelle révolution génétique

L’«édition génétique», cette technique qui modifie l’ADN de manière ciblée, est porteuse de nombreuses promesses: création de nouveaux médicaments, élevages en meilleure santé et cultures plus résistantes. Mais le procédé, risqué, soulève d’importantes interrogations éthiques.

Lire l’article ici.

_______

Quand les ciseaux CRISPR modifient des embryons

L’usage de l’ingénierie génomique sur des embryons humains se développe. Cette évolution porteuse d’espoir soulève toutefois de nombreuses interrogations.

Lire l’article ici.

_______

.…et ci-dessous, notre toute première interview d’Emmanuelle Charpentier, publiée en avril 2015 dans Technologist.

 

«Le couteau suisse des manipulations génétiques»

La biologiste française Emmanuelle Charpentier nous parle de sa découverte révolutionnaire, qui lui a valu le prix Louis-Jeantet.

Qu’est-ce que CRISPR/Cas9?

Il s’agit d’une nouvelle technologie rendant les manipulations génétiques simples et rapides. Elle est dérivée d’un système immunitaire bactérien et peut désormais être utilisée pour insérer ou supprimer un gène dans une seule cellule ou un organisme entier. Elle s’est rapidement imposée comme le couteau suisse des manipulations génétiques.

Comment l’avez-vous développée?

Nous nous sommes demandé comment certaines bactéries échappaient aux attaques de virus. Il s’est avéré que CRISPR/Cas9 leur permet de dégrader très précisément l’ADN viral. La simplicité et la spécificité de ce système le rendent idéal pour les manipulations du génome. Lorsque son rôle a été identifié chez les bactéries, l’industrie laitière avait déjà une idée d’application: améliorer la résistance des micro-organismes utilisés dans la production du yaourt.

Avez-vous réfléchi à un nom plus simple?

(Rires) Nous en avons parlé, mais à l’époque de Flickr, un nom exotique éveille la curiosité des gens. De plus, cette terminologie scientifique, d’apparence compliquée, reflète l’origine biologique du système.

Cette technologie pourrait-elle être utilisée en thérapie génique?

Les applications médicales de cet outil vont reposer sur deux aspects: la précision de la manipulation génétique et la maturité des techniques de séquençage de l’ADN. Le séquençage permet de valider la procédure de façon robuste. Cela devrait permettre d’éviter les effets secondaires indésirables.

Pourquoi revenir en Europe après six ans passés aux Etats-Unis?

Vivre aux Etats-Unis m’a appris ce que signifie être Européenne. J’aime New York pour son ambiance cosmopolite, mais il m’a semblé naturel de revenir à mes racines. Sur le plan professionnel, les instituts de recherche américains sont plus stimulants. La mobilité reste difficile en Europe, où le système académique varie par institut et par pays. Néanmoins, mon propre cas démontre que cela évolue peu à peu.

>>>

Cette interview a été réalisée par Luc Henry. Emmanuelle Charpentier a reçu le prix Louis-Jeantet de médecine 2015 d’une valeur de CHF 700’000. Au moment où elle nous accordait cette interview, elle travaillait au Helmholtz-Zentrum für Infektionsforschung, à Braunschweig, ainsi qu’à la Medizinische Hochschule d’Hanovre (Allemagne). Elle était également affiliée au Laboratoriet för molekylär infektionsmedicin (MIMS), à l’Université d’Umeå (Suède).