LATITUDES

Istanbul, version insolite et branchée

La métropole bicontinentale fait partie des destinations à la mode. Mais elle a bien plus à offrir au visiteur qu’une aventure d’un week-end. Bienvenue dans la ville monde.

On dit d’Istanbul qu’une vie ne suffirait pas pour en découvrir toutes les richesses. C’est sûrement vrai: cette fourmilière – qui compterait entre 12 et 14 millions d’habitants, les sources divergent – est un carrefour de civilisations, le lieu où l’Europe et l’Asie se rencontrent et où plusieurs siècles d’histoire et de culture se mélangent. Située à moins de quatre heures de vol de nombreux pays européens, asiatiques et moyen-orientaux, la cité turque est depuis quelques années prise d’assaut par les adeptes de séjours de quatre ou cinq jours.

Celui qui se rend à Istanbul pour la première fois ne doit pas faire l’impasse sur un certain nombre d’incontournables. Des lieux touristiques, certes, mais qui appartiennent au patrimoine de l’humanité. Comme Sainte-Sophie, cette église située dans le quartier de Sultanahmet qui fut construite au IVe siècle par l’empereur Constantin. D’abord lieu de culte pour les chrétiens, elle est convertie en mosquée en 1453, lorsque le sultan Mehmet le Conquérant s’empare de Constantinople. Quelque 500 ans plus tard, en 1935, le président Atatürk décide d’en faire un musée pour que tout le monde puisse en profiter.

Non loin de là se trouve un autre must, la Mosquée bleue, en référence aux couleurs des mosaïques de ses voûtes et murs intérieurs. Le palais de Topkapi, à proximité lui aussi, cultive le faste de l’Empire ottoman. Constitué de plusieurs bâtiments, le complexe a servi de résidence au sultan pendant près de 400 ans. Il y logeait ses femmes et y conservait ses trésors joailliers. Enfin, toujours dans le quartier, le Grand Bazaar reste un passage obligé pour boire un café turc, humer les épices ou marchander un tapis.

Épicentre de la création

Une fois que le visiteur aura vu ces incontournables, il pourra se dédier à la découverte de la ville comme la vivent ses habitants âgés de 20 à 40 ans. A l’instar de Londres, Barcelone ou Berlin, Istanbul cultive sa réputation d’épicentre créatif et festif. Art, mode ou design: parmi les talents émergents de la scène internationale se trouvent un nombre croissant de Turcs, comme l’artiste contemporain Taner Ceylan, les stylistes Umit Benan et Bora Aksu ou le duo de designers Autoban.

Si la création se sent si bien ici, c’est en partie parce que le pays connaît depuis une dizaine d’années une embellie économique. Avec une croissance avoisinant les 10% en 2010 et 2011, le pays a même rejoint le peloton de tête des nations émergentes. Cet accroissement des richesses, dans un pays comme la Turquie culturellement porté sur l’ornementation, s’affiche clairement. Dans les rues, les voitures de luxe pullulent et les femmes stambouliotes portent les dernières collections des marques de mode les plus chères du marché, tout en arborant un sourire ourlé plus vrai que nature, bien souvent assorti d’un nez standardisé. À Istanbul, les codes de l’art de vivre international ont depuis longtemps été assimilés par la jeunesse dorée, qui n’a peut-être jamais aussi bien porté son nom qu’ici…

Belles nanties sur fond rose

Plusieurs fois par an depuis 1988, Domenico Filipponi, conseiller artistique pour UniCredit à Milan, se rend à Istanbul pour rencontrer des collectionneurs et les conseiller dans leurs acquisitions. La jeunesse dorée stambouliote, il la côtoie régulièrement au House Cafe dans le district über chic d’Ortaköy. Une adresse avec terrasse sur le Bosphore qu’il recommande vivement pour boire un verre, profiter de la vue sur la ville tout en observant les belles nanties. «Et pour comprendre pourquoi la Corne d’Or (l’estuaire qui se jette dans le Bosphore, ndlr) se nomme ainsi, il faut se rendre à la tombée du jour sur le toit de l’hôtel Pierre Loti.» Sur le fond rose du coucher de soleil, les lignes des ponts et les silhouettes des mosquées alentour se dessinent. A couper le souffle.

Mais le quartier que préfère Domenico Filipponi reste Beyoglu. Le cœur culturel d’Istanbul, là où se trouvent les meilleures galeries (Arter, Rodeo, Galerist, Öktem & Aykut et, dans le quartier voisin de Besiktas, Rampa), musées et espaces d’art (comme Istanbul Modern et SALT). Mais dans le coin, il n’y a pas que de la nourriture pour les yeux et l’esprit. «Il faut à tout prix goûter aux fantastiques böreks sucrés d’Özen Börekçisi», ajoute notre interlocuteur. Et plus tard, une fois l’estomac remis d’aplomb, se diriger vers le toit de l’hôtel Mama Shelter et son bar, une adresse cool et décontractée pour commencer la soirée.

Poisson et raki toute la nuit

Stambouliote depuis une dizaine d’années, Metin Ilktekin – né et grandi à Zurich de parents turc et hollandais – partage avec les hipsters du monde entier un habitus de classe. Il connaît la ville comme sa poche. Hormis Beyoglu, il recommande le quartier Moda, sur la rive asiatique, «pour son ambiance bohème et relax qui attire de nombreux musiciens et artistes» et conseille – côté européen – de se promener à Arnavutkoy, un quartier «assez cher mais authentique» fait de maisons en bois.

Autre conseil du trentenaire: aux «infâmes» clubs pour nouveaux riches (Reina ou Lucca) situés entre Ortaköy et Bebek sur les rives du Bosphore, préférer ceux de Beyoglu. «C’est là que le soir venu se retrouvent les cool kids. Pour moi, Minimuzikhol est le meilleur club électro de la ville. Fréquenté par les artistes turcs émergents, les excentriques et les «socialites» du monde entier, l’ambiance y est ‹berlinoise›.»

Concerts, festival, clubbing… Istanbul divertit généreusement ses hôtes et citoyens. Mais pour être vraiment raccord avec les habitudes locales, il faut s’asseoir à la table d’un des nombreux Meyhanes de la ville, l’équivalent d’une taverne. «On se retrouve entre amis et toute la nuit on boit du raki et on mange du poisson, explique Metin Ilktekin. Tous lesStambouliotes aiment passer leurs soirées ainsi.»

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Au petit matin
Le Kafe Ara, à Beyoglu. Pas d’endroit mieux que celui-ci pour dévorer un petit déjeuner turc. Ce café-restaurant appartient au photojournaliste d’origine arménienne Ara Guler. Mondialement connu, l’octogénaire est surnommé «l’œil d’Istanbul». Il a été le premier correspondant du «Time» au Proche-Orient lorsque le célèbre magazine a ouvert un bureau en Turquie en 1958.

Le soir venu
Alancha, à Be¸sikta¸s, un restaurant de gastronomie turque contemporaine. La carte n’est pas donnée, mais le menu «Anatolie», une dégustation de différents mets aux saveurs d’Asie mineure, vaut le détour!
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Encore un peu plus tard
Dans un autre genre, Sur Balik dans le quartier d’Arnavutkoy. Un hommage aux produits de la mer et à la cuisine stambouliote d’origine, soit d’avant les années 1970 et le déversement des influences d’Anatolie dans la gastronomie de la ville.
www.surbalik.com

Le lendemain d’hier
Pour se remettre de la nuit festive, prendre un bateau – par exemple depuis les embarcadères de Kabata¸Kadikoy ou Bostanci – et voguer jusqu’aux îles des Princes où les voitures sont interdites et où l’on se déplace à dos d’âne. Lorsque les températures le permettent, on peut même se baigner et se prélasser sur les différentes plages. Et s’il ne faut choisir qu’une des cinq îles, Metin Ilktekin recommande Heybeliada, la plus petite mais aussi la plus charmante.

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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote (no 35).