KAPITAL

Ces Français qui choisissent la Suisse pour lancer leur société

De plus en plus d’entrepreneurs français établissent leur société en terres helvétiques, où les subventions sont pourtant moins importantes. Quels avantages y trouvent-ils? Rencontre avec trois d’entre eux.

Ils sont Français, bien formés, enthousiastes et créatifs. Et ils sont toujours plus nombreux à lancer leur entreprise en terres helvétiques. Les motivations de ces entrepreneurs expatriés sont souvent liées à des considérations personnelles ou familiales. Mais le cadre économique et administratif moins lourd en Suisse qu’en France pèse également dans la balance. Ainsi, malgré le franc fort et les incertitudes liées à la question migratoire, la Chambre de commerce et d’investissement France-Suisse observe un maintien à un niveau élevé des investissements français en Suisse.

«De nombreux entrepreneurs français s’installent en Suisse pour développer leur idée en raison de la proximité géographique, mais aussi du cadre fiscal et administratif favorable», note son directeur Romain Duriez. L’Hexagone est aujourd’hui le quatrième partenaire commercial de la Suisse (son stock d’investissements s’élevait à 45 milliards de francs en 2014) derrière l’Allemagne, les Etats-Unis et l’Italie.

Différences culturelles et managériales

Les profils sont variés. On trouve aussi bien des chefs d’entreprise qui souhaitent diversifier leur portefeuille, par exemple en reprenant une société locale, que de jeunes créateurs attirés par un terreau ouvert à l’innovation. Plusieurs adaptations demeurent néanmoins nécessaires. Malgré la proximité géographique, les différences culturelles et managériales restent importantes. Romain Duriez souligne une culture de la responsabilisation des employés plus accentuée côté Suisse, surtout au sein des PME. La consultation et le compromis y sont plus importants, par opposition à l’image plus répandue en France du leader qui mène son groupe vers un but. Le dialogue social et la base consultative sont ainsi, selon lui, des éléments plus présents dans la culture entrepreneuriale helvétique.

Bien que le système suisse soit plus libéral, avec notamment un Code du travail simplifié, il reste cependant moins incitatif que le système français. «On trouve, côté Suisse, moins de subventions, ce qui peut parfois surprendre certains chefs d’entreprise français, souligne Romain Duriez. En outre, il ne faut pas oublier qu’une partie des charges est reportée sur l’employé, à l’image de l’assurance maladie.» Mais malgré ces différences, la Chambre de commerce et d’investissement France-Suisse enregistre de plus en plus de demandes de consultations d’entrepreneurs français souhaitant développer leurs affaires en Suisse. Une tendance qui concerne également la Belgique ou l’Angleterre et qui est liée à une internationalisation et une culture de la mobilité toujours plus répandue dans le monde.

Des marchés opposés

«Bien sûr, le marché suisse présente un fort potentiel, notamment en raison du haut pouvoir d’achat de ses habitants. En outre, la paperasse est moins lourde qu’en France. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit aussi d’un pays extrêmement compliqué et segmenté, où les charges et les salaires demeurent très élevés.» A 27 ans, Max-Hervé George considère ces marchés comme diamétralement opposés. Ce jeune Français ne cesse de développer de nouveaux projets en Suisse et à l’étranger. L’année dernière, il a ouvert à Etoy (VD) le concept-store culinaire orange colored cialis et le centre de loisirs i.Life. A Gstaad, il vient d’inaugurer l’hôtel ultraluxe ordinare cialis online: un établissement dont la décoration évoque l’intérieur d’un yacht, comptant dix suites, sept appartements, un spa, une clinique esthétique, un fumoir et un restaurant Duchessa. Un troisième Duchessa ouvrira ses portes dès ce printemps dans le Quartier des banques à Genève (dans les locaux de l’ancien Buddha Bar) et deux nouveaux projets hôteliers devraient voir le jour ces prochains mois.

Les opportunités et les conditions-cadres ne font pas tout. Le jeune entrepreneur compte diverses attaches personnelles en Suisse. Originaire de l’est de la France, Max-Hervé George a vécu auparavant à Paris — où il a fait des études de droit — et travaillé quelque temps dans un business agroalimentaire familial, avant de «voler de ses propres ailes» dans le domaine de la finance et de l’immobilier.

Excellent transfert de technologie

Commencée en 2014, la construction de l’Ultima s’est terminée en décembre dernier avec l’arrivée des premiers clients officiels quelques jours avant les fêtes de fin d’année. L’hôtel, construit comme un chalet, peut accueillir jusqu’à 70 visiteurs. Le restaurant dispose pour sa part de 130 places assises. Au total, l’établissement compte 85 employés. De son côté, le Duchessa d’Etoy emploie une quarantaine de collaborateurs. A cela s’ajoute une équipe de management d’une vingtaine de personnes, chargée de chapeauter les différentes exploitations. Si l’on prend en compte tous les projets en cours, ce ne sont ainsi pas moins de 200 personnes qui collaborent à ce jour dans ses différentes entreprises en Suisse.

Concernant le positionnement de ses différents établissements — le concept-store culinaire Duchessa s’adresse à un large public, alors que l’Ultima vise une clientèle très aisée avec des prix compris entre 700 et 10’000 francs par nuit — Max-Hervé George souhaite continuer à proposer des prix légèrement inférieurs à ceux d’établissements comparables. A titre d’exemple, le restaurant d’Etoy propose plusieurs plats, dont le plat du jour, pour moins de 20 francs, avec la possibilité de consommer un vin à table au même prix qu’à la boutique (le restaurant est entouré de divers magasins proposant notamment de la charcuterie, des fromages, des articles d’épicerie fine et du vin). Dans le même ordre d’idées, les suites présidentielles de l’Ultima restent, selon lui, moins chères que des suites comparables dans d’autres établissements de haut standing. «Il reste beaucoup de choses à faire en Suisse, dit-il. On peut encore se positionner en dessous du marché.»

Agé de 38 ans, Maël Guillemot dispose pour sa part d’une formation d’ingénieur informatique en télécommunications. Originaire de Bretagne, il a choisi Martigny pour créer en 2007 Klewel, une société spécialisée dans la retransmission d’événements, de conférences ou de manifestations. La solution mise au point par l’entreprise permet d’enregistrer et de référencer automatiquement l’intégralité des contenus présentés. Les flux audio, vidéo et les diapositives projetées sont archivés de manière synchronisée. Grâce à un système d’indexation, la société, qui emploie aujourd’hui cinq personnes pour un chiffre d’affaires de 500’000 francs, met les conférences enregistrées à la disposition de tous, via un moteur de recherche similaire à ceux qu’on utilise communément pour trouver des pages web. Les contenus peuvent être consultés en tout temps sur un site internet et toute personne intéressée peut, à l’aide de mots clés, immédiatement y trouver une information ciblée sans avoir besoin de les visionner intégralement. La société compte une cinquantaine de clients parmi lesquels Nestlé, l’EPFL ou Ferring International.

Aide au démarrage

Maël Guillemot a fondé sa société «étape par étape», alors qu’il exerçait la fonction d’ingénieur en développement au sein de l’institut de recherche Idiap à Martigny, organisme affilié à l’EPFL. Plus que les raisons fiscales, ce sont essentiellement les possibilités de transfert de technologie depuis la recherche vers le marché qui l’ont poussé à installer sa société en Suisse. «Par ailleurs, j’ai trouvé excellent le travail d’accompagnement d’agences cantonales telles que The Ark en Valais, ainsi que l’écosystème entrepreneurial romand avec Venturelab de Jordi Montserrat ou l’IMD avec Jim Pulcrano», considère l’ingénieur.

De son côté, Benoît de Combaud, ingénieur parisien de 32 ans, a créé en 2012 CombaGroup. Basée à Molondin (VD), cette société a développé un nouveau concept dans la production et la transformation de salades permettant de réduire l’impact environnemental (production locale et sans pesticides), d’améliorer la qualité et de réduire plusieurs inefficacités que l’on trouve dans la chaîne de valeur alimentaire. Pour ce faire, l’entreprise a mis au point une technologie capable de produire, dans un environnement contrôlé, jusqu’à dix fois plus qu’en production traditionnelle. Elle a développé divers partenariats et prévoit une entrée sur le marché effective en 2017 à travers plusieurs serres aujourd’hui en phase de développement avancé.

CombaGroup compte actuellement cinq employés, trois clients/prospects et une serre pilote de 600 m2. Benoît de Combaud a découvert en Suisse un environnement particulièrement favorable à l’entrepreneuriat. «Le support aux start-up en Suisse est très bon, avec différents soutiens comme Innovaud ou Platinn. L’aide au démarrage et le financement ‘seed’ sont également facilités à travers plusieurs structures très bien organisées.»
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.