Pour réduire les erreurs humaines dans les salles d’opération, une nouvelle approche consiste à s’inspirer des procédures de l’aéronautique. L’expérience débute en septembre dans dix hôpitaux suisses.
C’est un test important qui se joue dès ce mois de septembre dans dix hôpitaux suisses. Afin d’améliorer la sécurité des patients, ces établissements utiliseront systématiquement une check-list en chirurgie. Trois d’entre eux sont situés en Suisse romande: le CHUV à Lausanne, l’Hôpital fribourgeois et le réseau de soins La Tour dans le canton de Genève. Ils participent à un projet pilote soutenu par la Société suisse de chirurgie et financé par la Confédération qui débutera en septembre. Intitulé «Progress! La sécurité en chirurgie», il vise à réduire l’ampleur des événements indésirables qui surviennent lors d’interventions chirurgicales. Son usage dans la totalité des hôpitaux est souhaité dans quelques années.
Ils ne sont pas si rares, les cas de patients qui ont porté dans leur ventre une pince, une compresse, ou encore une lame, oubliées lors d’une opération. Une infirmière de salle devrait remarquer tout article manquant au terme d’une intervention chirurgicale: les instruments doivent être vérifiés, les serviettes et tampons comptés et documentés. Seulement voilà, la pratique réserve souvent des surprises. Un corps étranger est oublié dans la plaie d’un patient lors de 14 opérations sur 100’000.
Comparée à d’autres activités, en chirurgie, la fréquence des événements indésirables est très élevée. Le risque de décès y est de 2 pour 100 (en Suisse) alors que dans les transports aériens il n’est que de 1 pour 1 million (au niveau mondial). Pas étonnant dès lors que la médecine se tourne vers l’aéronautique pour s’inspirer de ses méthodes.
Le travail en équipe dans un bloc opératoire et dans un cockpit a fait l’objet d’une étude comparative (Helmreich Robert, «Error, Stress and Teamwork in Medecine and Aviation», British Medical Journal). Premier constat, c’est un fonctionnement démocratique qui prévaut dans un cockpit. Les auteurs de l’étude imputent en partie le grand écart de sécurité à la différence d’approche de la dynamique de décision. Chaque membre du cockpit étant détenteur d’informations clés, chacun peut s’exprimer librement: «Là où règne une expression collective faisant abstraction des frontières hiérarchiques, les couacs sont moins nombreux», relève l’auteur de l’étude. L’heure est venue de faire descendre le chirurgien de son piédestal! Anesthésistes et infirmières ont des points de vue qui ne sauraient être ignorés.
Avant l’envol de tout avion, et au cours des différentes phases d’un vol, l’équipage consulte une check-list afin de ne rien laisser au hasard. Pourquoi ne pas faire de même au bloc opératoire? «L’introduction de la check-list de bloc opératoire émise en 2009 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a secoué le monde médical au point d’être qualifiée de tsunami de la sécurité», relève Christian Morel dans son ouvrage «Les décisions absurdes. Comment les éviter» (Gallimard).
Une étude portant sur cette réforme a été menée dans huit hôpitaux l’ayant introduite. Dans ces établissements, 3733 patients ont été opérés sans check-list et 3955 avec. Dans le second groupe, la mortalité des personnes opérées a chuté de 57% par rapport au premier, et les complications postopératoires ont diminué de 36%. Ces effets considérables illustrent l’efficacité d’une telle mesure.