LATITUDES

La fin des aboyeuses

Impunis jusqu’ici, les cris auront bientôt leur châtiment sur les courts. Les organisateurs de Wimbledon vont prendre des mesures pour faire baisser les décibels. Histoire.

«J’ai dit à l’arbitre que c’était difficile pour moi de continuer à jouer dans de telles conditions, contre une joueuse qui crie de la sorte. J’ai essayé de faire la même chose, mais ce n’est pas naturel pour moi», expliquait Aravane Rezaï, opposée à Michelle Larcher de Brito lors du dernier tournoi de Roland Garros. La jeune joueuse portugaise pousse des cris qui malmènent les tympans de ses adversaires et du public.

En 2006, pour satisfaire la curiosité de ses lecteurs, «The Times» s’était livré à une mesure de la puissance des hurlements de Sharapova à Wimbledon. Le «gruntometer» (de «grunt», cri intempestif en anglais) avait enregistré 101,2 décibels, soit un niveau sonore se situant entre une perceuse électrique et un avion à hélice au décollage. Ce chiffre pourrait bien avoir été dépassé à Paris par l’élève talentueuse de Nick Bollettieri. Un entraîneur qui intègre les cris à son enseignement, tels des réflexes de Pavlov.

L’occasion d’aller taquiner les records de décibels ne devrait plus se présenter à Londres. Les cris y auront leur châtiment. En effet, après avoir installé un toit sur leur stade, les organisateurs du tournoi de Wimbledon souhaitent mettre un couvercle sur les hurlements des joueuses et des joueurs (un peu moins concernés), non en distribuant des protecteurs auditifs mais en abaissant le plafond sonore des vociférations.

Il est vrai que le règlement du tennis ne contient pas la notion de décibels alors que son ancêtre, le «jeu de courte paume», stipule que «les joueurs doivent s’abstenir de crier, jurer, cracher et s‘interdire tout jet de raquette». Après des années de laisser-aller, un retour aux sources s’opère.

Petit historique de l’arrivée des cris sur les courts. Il fut un temps où seuls les applaudissements retenus de spectateurs très disciplinés venaient rompre un silence quasi sacré sur les courts. Et puis, Monica Seles est arrivée… C’est le début des années 1990.

Accompagnant ses frappes de cris, elle révolutionne la pratique du tennis et est rapidement imitée par quantité d’autres joueuses. Bien que qualifiée d’hystérique et d’orgasmique ou encore comparée à un accouchement sans péridurale, cette technique vocale n’en a pas moins fait, quelques années plus tard, des émules dans le camp masculin avec l’Autrichien Thomas Muster qui a ouvert la voie.

Depuis, rugissements, gémissements, grognements et hurlements sont entrés dans les moeurs tennistiques, à tel point qu’un rappeur comme Lil Wayne va se servir de sons originaux auprès d’Elena Dementieva.

La légende Martina Navratilova, déjà agacée en 1992 par les cris de Monica Seles en demi finale à Wimbledon, vient d’exprimer, après le tournoi parisien, la nécessité de mettre fin immédiatement à une pratique qu’elle juge inacceptable. Tim Henman est venu appuyer sa position et la Fédération internationale de tennis (ITF) planche actuellement sur la solution à ce qui est devenu un réel problème et qui ne peut continuer à être confié aux seuls arbitres. Des sanctions pourraient intervenir dès Wimbledon.

S’il en est un qui n’a rien à craindre, c’est Roger Federer qui se contente généralement d’un cri libérateur à l’issue d’une balle de match victorieuse. Un cri qui déclenche un tonnerre d’applaudissements et de cris de joie venus d’un public pas soumis au même règlement que les joueurs.

Bref, la bonne nouvelle, c’est qu’on pourra remettre le son lors des retransmissions de matchs de tennis sans craindre pour ses tympans.