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La grande peur du contrat de confiance

Le géant français de l’électroménager et de la hi-fi s’implante en Suisse avec son offre basée sur la qualité du service. Il s’attaque frontalement au marché de Fust et Media Markt.

On raconte que l’aventure Darty a commencé par une intuition de son fondateur sur le rôle clé de l’après-vente dans l’électroménager. «Dès les années soixante, Bernard Darty s’est rendu compte que les distributeurs avaient tout à gagner à prendre une part de responsabilité plus grande dans l’acte d’achat du consommateur. Aujourd’hui encore, nous considérons que l’acquisition et la fidélisation de notre clientèle passe par le service après-vente», proclame Monica Griso, responsable de la communication du groupe Darty.

Très française, bien que cédée au groupe britannique Kesa Electricals (numéro trois de l’électroménager et de l’ameublement en Europe), l’entreprise emploie plus de 10’000 collaborateurs et compte 208 points de vente (dont 200 en France). Elle ouvre trois premier points de vente: à Crissier en septembre, puis à Villeneuve en octobre et à Etoy au mois de novembre. La coordination se fera depuis le siège opérationnel de Darty Suisse à Tolochenaz, véritable centrale, comprenant un call center, des entrepôts et des ateliers de service après-vente.

Darty veut évidemment appliquer en Suisse son ancien et célèbre «contrat de confiance», fer de lance d’un marketing réputé pour son emphase. Il s’agit concrètement d’une promesse écrite faite aux clients, qui s’articule autour de trois axes: des prix bas toute l’année (comme tout le monde apparemment), le choix de marques le plus large possible (comme tout le monde aujourd’hui) et des services attrayants de maintenance à domicile. C’est sur ce terrain, surtout occupé en Suisse par Fust, que la vraie concurrence devrait avoir lieu.

Darty s’engage en dix points, notamment à rembourser la différence de prix pour un même article acheté ailleurs meilleur marché, livrer, installer et réparer ses produits, prêter un appareil de remplacement en cas de panne, enlever l’ancien appareil lors d’une livraison, prolonger la garantie en cas d’immobilisation d’un article et offrir une assistance technique téléphonique sept jours par semaine. Tous ces services gratuits seront effectués depuis la centrale de Tolochenaz, à part le service téléphonique d’aide aux appareils multimédia, centralisé à Paris.

L’important service après-vente est proposé durant la durée de garantie de l’article, qui va jusqu’à deux ans pour les gros appareils, tels que les téléviseurs ou les machines à laver. Les services de maintenance payants, tel que la prolongation de garantie ou le service après-vente hors garantie, ne permettent pas de couvrir les services à la clientèle gratuits, qui représentent un coût important pour l’entreprise. Le modèle économique de Darty – et il ne s’en cache pas – est donc clairement d’offrir de la maintenance à perte pour mieux vendre des machines (on ne sait pas grand-chose de la rentabilité des services d’après-vente des autres enseignes opérant en Suisse).

«Notre modèle est coûteux, certes, mais il a fait ses preuves sur la durée. Nous tenons par exemple à ce que nos propres techniciens réparent nos propres articles. Ils doivent pouvoir suivre l’évolution technologique des machines pour rester compétents», argumente Monica Griso.

Le recrutement a commencé il y a plusieurs semaines dans la région romande, où Darty va engager dans un premier temps entre 100 et 120 personnes, essentiellement des vendeurs, des conseillers, des techniciens et des livreurs. La société a budgété une perte de 6 millions de francs pour sa première année, mais compte équilibrer son compte d’exploitation en 2007. «Si tout se passe comme prévu, nous aurons sept ou 8 points de vente dans trois ans.»

Par sa proximité géographique et linguistique, mais aussi par la densité de sa population, la Suisse romande est pour l’instant la priorité du groupe, qui ne projette pas de s’agrandir tout se suite en Suisse alémanique. Conscient que beaucoup d’autres entreprises françaises, arrivées en grandes pompes et pensant révolutionner le marché comme Saint-Maclou dans la moquetterie, ou Tati dans la mode, ont échoué face aux spécificités du marché suisse, la direction de Darty veut grandir petit à petit et prendre le temps de voir comment réagit le consommateur romand.

Le groupe sait que si le pouvoir d’achat des Suisses est supérieur à celui des Français, les salaires de ses futurs employés et les prix de gros en Suisse sont eux aussi plus élevés. De plus, les habitudes de consommation restent très difficiles à changer. Darty souhaite donc s’imposer sur la durée, dans la discrétion et sans communication massive. La direction affirme avoir réalisé plusieurs études de marché avant de se décider.

«Par rapport à nos concurrents, nous voulons créer de la différenciation. Notre objectif n’est pas de mener une guerre de prix, mais de proposer plus de services pour le même prix.» Si la plupart des concurrents de Darty étaient déjà présents en France, comme la FNAC, Conforama ou Media Markt, la société va en découvrir de nouveaux en Suisse. On pense à Fust en premier lieu, leader local de l’électroménager, de la Hi-fi/TV et de l’informatique.

Poids plume à l’échelle européenne, Fust est un vrai major à l’échelle suisse, avec 140 points de vente. La société est aujourd’hui intégrée à Jelmoli Holding (détail et immobilier), lui-même coté en Bourse, contrôlé par l’investisseur allemand Georg von Opel (Pelham Investments, 27% du capital, plus de 50% des voix de Jelmoli) et présidé par le très énergique Walter Fust. Lors de la réorganisation du groupe à la fin des années 1990, Fust est en fait devenu son activité de loin la plus importante (75% du commerce de détail, qui représente lui-même 90% des revenus de quelque 1,1 milliard de francs).

Bettina Höhener, assistante de direction de Fust, au siège de Oberbüren, ne se laisse pas démonter par l’arrivée de ce nouvel acteur sur un marché que l’entreprise suisse connaît mieux que personne: «Il sera difficile pour tout nouvel arrivant d’avoir du succès à long terme et de satisfaire la clientèle suisse qui est très exigeante. Les échecs de nombreuses entreprises par le passé montrent qu’il peut y avoir de sérieux problèmes de démarrage. Les clients se posent cette question: la nouvelle enseigne sera-t-elle encore là dans cinq, quand j’en aurai vraiment besoin?»

Fust, qui a une part de marché en Suisse entre 5 et 25% selon le groupe de produit, propose un service après-vente également très développé (directement inspiré d’ailleurs du contrat de confiance de Darty). L’entreprise offre elle aussi «les prix les plus bas», sans toutefois s’engager à rembourser la différence si un même article est acheté moins cher ailleurs (ce que les professionnels considèrent en général comme un gadget, la procédure étant très rarement employée par les clients). Si un client constate une différence de prix, Bettina Höhener recommande simplement de le faire savoir à un vendeur.

Fust possède ses propres stocks, sa propre logistique et ses propres services de réparation, de livraison, de location, ce qui rend sa position très forte. Pour chaque vendeur, la société emploie 0,8 personnes qui assureront des services supplémentaires.

Fust propose également la réparation à domicile, ainsi qu’un service d’échange express 24 heures sur 24 pour les appareils de réfrigération. Un appareil de remplacement est fourni sur demande en cas de panne. Si la réparation n’est plus rentable, Fust propose une offre d’échange, soit pour un appareil neuf, soit pour un article de seconde main. Enfin, la société propose une prolongation de garantie de 10 ans maximum. Le coût de ses services à la clientèle est important, ce qui laisse penser que chez Fust également, la maintenance est offerte à perte pour favoriser la vente de machines.

Chez Media Markt à Crissier, le directeur Reto Steffen annonce «n’avoir rien à craindre du nouveau venu, mais va cependant l’observer sérieusement, au même titre qu’il continuera de surveiller Fust».

Aucun changement n’est prévu pour l’instant par rapport au service après-vente: Media Markt continuera de prendre à sa charge les réparations et de rembourser les différences de prix pour un article acheté ailleurs meilleur marché. Par contre, la livraison restera payante et il n’existera toujours aucune garantie écrite de prêt, lorsqu’un appareil est défectueux.

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Une version de cet article est parue dans «PME Magazine» du mois de septembre.