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L’art très tendance de l’esquive tordue

Manier la contre-vérité ne fait plus peur à personne. Même pas à Ignazio Cassis sur l’Ukraine, ni aux partisanes du burkini dans les piscines genevoises.

Ignazio Cassis est un malin. C’est aussi un mal aimé. L’un explique peut-être l’autre. Les critiques contre le plus impopulaire des conseillers fédéraux sont parfois injustes, provoquées par un réflexe idéologique qui considère à priori le mot «libéral» comme une injure.

N’empêche, l’homme pousse parfois loin l’art de l’esquive, au point de ne pas craindre les contre-vérités manifestes. Cela s’est vu un peu trop dans la réponse qu’il a donnée aux critiques pointant le manque de générosité de la Suisse s’agissant de l’aide apportée à l’Ukraine.

Une étude d’un institut allemand pour l’économie mondiale a en effet classé, sur 40 pays examinés, la Suisse au 32ème rang. La Confédération ne consacre que 0,03% de son PIB à l’Ukraine, alors que la Danemark en est à 0,47%, les États-Unis à 0,37%, l’Allemagne à 0,36%, et la France à 0,31%.

Dans un premier temps, Ignazio Cassis a déroulé quelques arguments parfaitement recevables, rationnels et chiffrés: avec une nouvelle aide de 140 millions qui vient d’être décidée et qui s’ajoute aux 1,3 milliards déjà consentis, la statistique allemande est caduque.

Statistique qui par ailleurs ne prend pas en compte l’apport des cantons et de la société civile – 130 millions récoltés par la Chaîne du bonheur, 50 millions par la Croix-Rouge – ni l’aide de la population: 25 000 ukrainiens sont à l’heure actuelle logés par des particuliers. Elle ne prend pas non plus en compte les efforts diplomatiques de la Suisse, comme la mise sur pied d’une Conférence pour la reconstruction de l’Ukraine.

Mais alors qu’il est interrogé sur le refus du Conseil fédéral d’autoriser la réexportation de munitions vers l’Ukraine, alors que le parlement s’apprête à soutenir une position inverse, patatras Ignazio Cassis n’hésite pas à proférer froidement une double inexactitude: «D’éventuelles réexportations ne correspondent pas au cadre de notre neutralité. De plus, elles n’apporteraient pas une aide militaire décisive à l’Ukraine.»

La première partie de la phrase, cela a été établi par maints constitutionnalistes, est juridiquement fausse. Quant à la deuxième, il suffit d’écouter la réponse donnée par le ministre ukrainien des Affaires étrangères à la question de savoir de quoi l’Ukraine avait actuellement le plus besoin: «de munitions».

Notons qu’Ignazio Cassis n’a pas, au sein du Conseil fédéral, le monopole de l’esquive tordue. Le président Berset quand on lui demande s’il prévoit de rendre une visite à son homologue ukrainien Zelensky, répond, pour dire qu’il n’ira pas: «Pourquoi pas, mais seulement si une telle visite fait sens.»

Soyons juste: la contre-vérité est un art tendance qui ne se pratique pas que dans les sphères du pouvoir. Le débat genevois sur l’autorisation du burkini dans les piscines vient de le montrer.

Une citoyenne vaudoise, d’origine algérienne, installée dans la cité de Calvin et qui se présente comme «lambda», explique au journal «Le Temps» qu’un drame personnel est à l’origine de sa prise plus au sérieux de l’Islam, incluant la décision de se mettre à porter le foulard et à barboter en burkini. Avant d’ajouter: «Je suis un pur produit suisse.»

On veut espérer qu’il existe des arguments moins visiblement aussi faux et un peu plus solidement étayés que la suissitude pour justifier qu’on veuille se couvrir les cheveux et nager tout habillée.

Car dans le même moment, si l’on veut parler de «pur produit suisse», l’ambassadrice de la Confédération en Iran, Nadine Olivieri Lozano, a suscité un beau tollé en visitant dument voilée une mosquée et en paradant ainsi harnachée auprès de dignitaires religieux.

L’indignation est particulièrement forte chez les femmes iraniennes vivant en Suisse, telle que l’a exprimée le mouvement «Free Iran Switzerland»: «Que l’ambassadrice suisse visite ce sanctuaire est tout simplement choquant», surtout «le fait qu’elle se présente en tchador alors que des milliers de femmes se battent pour pouvoir retirer leur foulard».

Il y en a même qui en meurent, quand d’autres, plus près de chez nous, pour cacher leurs cheveux, sont prêtes à les couper en quatre.