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Le pays des belles paroles

La Suisse a fustigé la Russie devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Tout en continuant à se calfeutrer dans une neutralité jusqu’au-boutiste. Le bla-bla plutôt que les actes.

La fleur au fusil et tambour battant. Le président de la Confédération Alain Berset et le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis n’ont pas fait le déplacement à New York pour rien.

C’est d’abord le Fribourgeois qui a parlé haut et fort devant le Conseil de sécurité de l’ONU, assaisonnant à sa façon la Fédération de Russie à propos de la guerre en Ukraine. Un pays, la Russie, qui, selon lui, «séance après séance, membre permanent du Conseil, nie sa responsabilité envers les milliers de morts et de blessés en Ukraine, envers les millions de personnes déplacées et envers celles et ceux qui sont plongés dans une profonde insécurité», y compris en Russie.

Pour faire bonne mesure, Alain Berset a souligné que «la Suisse attend de la Fédération de Russie qu’elle respecte la Charte de l’ONU». C’est-à-dire respecte les frontières, s’abstienne d’envahir des pays souverains, surtout pour des prétextes inexistants: «La Russie n’a pas seulement attaqué un pays pacifique, mais aussi le droit international et le multilatéralisme.»

La veille, Ignazio Cassis avait quant à lui apporté le soutien de la Suisse à la création d’un tribunal spécial pour juger ce «crime d’agression» contre l’Ukraine, la CPI n’étant pas compétente.

Un tribunal qui permettrait de contourner le veto russe systématique en place à l’ONU. Et qui présenterait, selon Andrew Clapham, professeur de droit international à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), un autre avantage: s’il n’est jamais facile de prouver des crimes de guerre ou contre l’humanité, «il est en revanche plus facile de prouver le crime d’agression. Il existe des plans d’invasion, des ordres aux commandants des armées».

Ceci, c’est pour la Suisse qui parle. C’est déjà bien, mais ce n’est pas grand-chose. Fustiger la Russie devant l’ONU ne coûte pas bien cher puisque le pays du président Poutine considère déjà la Confédération comme un territoire hostile.

Si, après les paroles, on considère les actes, on se rend compte qu’il n’y plus personne, la Suisse s’obstinant au nom d’une neutralité interprétée de façon jusqu’au-boutiste, à refuser toute livraison de matériel militaire à l’Ukraine.

Certes, Alain Berset s’est gargarisé des «efforts suisses» entrepris concernant l’humanitaire –allègement des souffrances des civils en Ukraine, déminage, etc. Il a également plaidé pour que l’accord sur les exportations de céréales en Ukraine soit relancé. Et a cru bon enfin de «saluer» les initiatives diplomatiques visant à atteindre la paix en Ukraine.

Là, on est franchement dans le parler pour ne rien dire. Ignazio Cassis, pourtant partisan lui, et contrairement à Berset, des livraisons d’armes à l’Ukraine, en a remis une couche sur la diplomatie, jugeant le plan de paix présenté par le président Zelensky «insuffisamment bon», lui reprochant son unilatéralité et donc son peu de chances d’être accepté par la partie adverse.

Évidemment, l’Ukraine fait de la restitution de son intégralité territoriale une condition sine qua non de toute négociation de paix. Dans cette optique, on peut considérer que toute autre issue diplomatique s’apparenterait à l’armistice de juin 40: cher Monsieur Hitler, vous êtes le plus fort, bienvenu chez nous. Collaborons».

Le choix apparait donc entre une paix indigne et la poursuite d’une guerre interminable et meurtrière.

Si l’on juge, dans cette affaire, la Suisse non sur ses belles paroles mais sur son peu d’actes, on peut imaginer que c’est la paix indigne qu’elle a déjà choisi.