LATITUDES

«Dernière» et les autres mots de septembre

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «dernière», «météorologue» et «iris».

Dernière

Consécutif aux impacts du changement climatique, la montagne connaît une multiplication des écroulements rocheux et la fonte de parois et de couloirs de glace. Ces changements de morphologie rendent impraticables de nombreuses voies d’escalade. Des célèbres «100 plus belles courses» de Gaston Rébuffat, ouvrage présentant il y a cinquante ans une sélection d’ascensions, un grand nombre ne sont plus effectuées.

Une diminution du patrimoine vertical s’opère. Contrairement aux «premières» qui constituaient une extension de ce patrimoine, les «dernières» sont les ascensions d’itinéraires qui ne seront plus parcourus. «Le potentiel de réalisation de “dernières” est particulièrement élevé. Pourtant la chronique alpine ne semble garder aucune trace des auteur.e.s de ces dernières aventures», lit-on dans «Nouvelles mythologies alpines» (JME éditions). Après avoir tant rêvé de “premières”, les alpinistes ne se convertissent pas aux “dernières”. «Revendiquer le dernier parcours d’une voie soustraite à l’alpinisme par le changement climatique impliquera d’assumer une posture d’anti-héros. (…) Le sentiment peu glorieux d’être un.e humble fossoyeur.e de la grande épopée alpine», constate Philippe Bourdeau, un des coauteurs de cet ouvrage qui interroge avec à-propos notre rapport aux montagnes.

Météorologue

Par les temps qui courent, les météorologues sont désignés à la vindicte publique dans plusieurs pays occidentaux. Ils sont aujourd’hui insultés et menacés par des complotistes et des climato-sceptiques auxquels s’ajoutent des politiciens. Tous tentent de les discréditer en faisant appel à l’émotionnel, plus accessible que les propos scientifiques de ces professionnels qui se livrent à un exercice particulièrement complexe. Tout en demeurant rigoureux, il s’agit de vulgariser, pour un large public, des données certes scientifiques mais soumises à l’incertitude.

Que leurs prévisions déplaisent et les voici qui endossent le statut peu enviable de messagers. Gare alors au «shoot the messenger» qui consiste à se débarrasser du détenteur d’une nouvelle déplaisante! Un sort que ne connaissent pas les auteurs de l’Almanach du «Messager boiteux» aux prévisions basées sur les observations d’un abbé au 17e siècle, ni le bonhomme hiver «Böögg» de Zurich ou les Jours de la marmotte appréciés en Amérique du Nord.

Il y a trente ans, à la sortie du film «Un jour sans fin» avec Bill Murray en Monsieur Météo, les présentateurs des bulletins étaient quelques fois la cible de blagues. Aujourd’hui, fini la plaisanterie. Des détenteurs de croyances ou d’intérêts les injurient et les menacent. Un vrai changement de climat!

Iris

Les iris se multiplient dans les salons. Non sous forme de bouquets ou sur des reproductions d’œuvres de ces fleurs tant prisées des peintres. D’autres iris sont tendance en décoration intérieure. Ceux des yeux. De nombreux studios de photo proposent de dévoiler le reflet de notre âme dans la splendeur de notre iris en haute définition. «Découvrez la vraie couleur de vos yeux. Vous êtes unique. L’iris est d’une beauté fascinante. C’est la séance photo la plus personnelle au monde», claironne la pub.

Les photographes ne sont pas seuls à nous faire de l’œil. La technologie Worldcoin, scanne l’iris qui se mue alors en authentification d’identité. Le projet concocté par Sam Altman, le patron de ChatGPT, vient d’être lancé. «Worldcoin correspond à une identité numérique garantissant la vie privée (World ID) et, où cela est autorisé, à une cryptomonnaie (WLD) reçue pour le simple fait d’être humain», annonce l’entreprise américaine. Saura-t-elle séduire?