LATITUDES

La cuisine comme pont entre les cultures

Elise Rabaey a pour mission de valoriser la gastronomie lausannoise. Elle raconte comment la ville est devenue un carrefour des saveurs du monde.

L’association Lausanne à Table soutient chaque année une centaine d’événements en rapport avec l’alimentation. Sa mission: promouvoir saveurs d’ailleurs et produits du terroir. Aux commandes de la structure, figure Élise Rabaey, Bulloise d’origine et belle-fille du chef étoilé Gérard Rabaey. Elle est également responsable gastronomique de la ville. Par sa double fonction, elle invite le public à déguster de nouveaux plats, fait découvrir la ferme aux enfants ou renforce les liens entre consommateurs et producteurs locaux. Rencontre.

En l’espace de quarante ans, le nombre de résidents étrangers a doublé à Lausanne. Comment cette évolution s’observe-t-elle dans les assiettes?

Élise Rabaey: Il y a quelques années, on ne trouvait aucun sandwich vietnamien Banh mi dans la ville. Aujourd’hui, trois restaurants en proposent dans leur menu. Idem avec les mets coréens. Ce multiculturalisme se retrouve dans l’offre culinaire lausannoise, et les Lausannois peuvent s’en réjouir ! Ce qui est intéressant, c’est que ce multiculturalisme se mêle parfaitement au terroir ; puisque nombre de restaurants exotiques utilisent des produits du terroir dans leur menu: ramen à base de blé suisse ou empanadas fourrées au porc et au gruyère créent de nouveaux liens entre les personnes et les cultures.

Comment l’association Lausanne à Table fait-elle la promotion de tels échanges gastronomiques?

Lors d’un événement organisé par notre association, le Miam Festival, l’un des stands les plus populaires a été celui de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Non seulement la nourriture était succulente mais les histoires de vie qui se partageaient étaient passionnantes. Tout le monde discutait avec son voisin. Je suis persuadée que la cuisine décloisonne les consommateurs car elle véhicule l’histoire de chacun. Nous avons tous une madeleine de Proust. Nous avons aussi organisé des tables éphémères, invitant deux inconnus à chaque table. Les premières discussions portent souvent sur la cuisine. La gastronomie favorise l’intégration. Et cela est vrai surtout à Lausanne.

Pourquoi?

Lausanne a maintenu son âme de village où la convivialité et l’accessibilité sont des valeurs primordiales. Y cohabitent des ensembles des établissements étoilés, des pintes historiques, des barbecues coréens, des épiceries ibériques et même des restaurants de cuisine nordique. Et tout cela se marie parfaitement avec les produits locaux. Les produits du terroir vaudois sont-ils assez mis en valeur? Il est primordial de les valoriser quotidiennement, et c’est l’une des missions de Lausanne à Table. Leur promotion demande des efforts constants. Cela garantit que les produits du terroir demeurent vivants et visibles auprès des touristes comme des locaux. Il est aussi indispensable d’en faire la promotion auprès des enfants, de manière à les instruire au goût.

Pourquoi cette éducation est-elle nécessaire?

À l’heure actuelle, la population veut toujours connaître davantage l’origine de leurs aliments et savoir dans quelles conditions ils ont été cultivés, transformés ou cuisinés. Un phénomène notamment dû à la hausse des maladies liées à la nutrition. C’est pourquoi notre association organise des événements de découverte culinaire à la ferme, par exemple, afin de faire découvrir de nouvelles saveurs aux plus jeunes. Il est désolant de voir certains restaurants continuer à offrir uniquement du poulet-frites dans les menus enfants.

Vous avez créé l’association Lausanne à Table en 2014. Pourquoi?

En 2012, Lausanne a été élue Ville du Goût par l’Association suisse de promotion du goût. Plus tard, et avec le soutien de la Ville de Lausanne, nous avons décidé de transformer cette distinction en une association. Ainsi, les buts de Lausanne à Table sont de promouvoir les artisans et les produits locaux, mettre en avant le terroir et faire vivre la ville à travers l’ensemble de sa variété culinaire.

Qu’est-ce que le Miam Festival, votre événement phare?

Durant la Pentecôte, nous réunissons sur la place de la Riponne plus d’une cinquantaine d’artisans du goût. Que ce soit des traiteurs, des restaurateurs, des food trucks ou des producteurs, nous voulons démontrer toute la variété culinaire de Lausanne. Ainsi les enfants pouvaient créer leur propre pizza pendant que les grands concoctaient leur propre tartare.

Quels sont les objectifs pour 2020?

En 2019, nous avons attiré environ 25 000 visiteurs lors du Miam Festival, malgré une météo capricieuse. Nous voulons donc continuer, pour l’édition 2020, à proposer les meilleurs artisans du goût, pour que le festival continue d’être une véritable vitrine du Lausanne culinaire. En parallèle, nous comptons maintenir la variété et le nombre d’événements que nous organisons ou que nous soutenons, comme nous l’avons par exemple fait l’an dernier avec la Fête du Chips.

Est-il possible de résumer l’offre gastronomique de Lausanne?

On pourrait la réduire au papet vaudois, mais ce serait occulter la richesse et la diversité culinaires de Lausanne, à l’image du caractère ouvert et curieux des Lausannois. Il y a 5 ans, la tendance était aux hamburgers. On en trouvait partout, dans tous les restaurants et la majorité des food trucks leur étaient dédiés. Même si cette tendance se poursuit encore aujourd’hui, de nouvelles curiosités émergent. Lors de la dernière édition du Miam Festival, les spécialités japonaises comme les galettes de choux grillées Okonomiyakis ont rencontré un énorme succès, tout comme les ramen, les fameuses nouilles au bouillon.

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans The Lausanner (no4).