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Somaliland: sur les pistes du pays qui n’existait pas

David Collin, de retour du Somaliland, raconte ce qu’il a vu dans cette contrée coincée entre les rives de la Mer Rouge et les contreforts de l’Ethiopie. Un pays admiré par beaucoup mais reconnu par personne.

Comme le disent les nomades, le désert n’appartient à aucun territoire, il se divise et s’étend, dévore la surface en ignorant frontières et nations.

Il suffit de le survoler le Somaliland dans un vieux zinc kazakh pour ne plus croire un instant que ce bout de terre puisse appartenir à quiconque. Pourtant, oui, des hommes et des femmes sont fiers de ce pays qui n’existe sur aucune carte, du sol qu’ils ont libéré depuis déjà dix ans des troupes du dictateur Syad Barré, de ce gouvernement fantôme qui n’entend rien céder au désir d’indépendance des citoyens. Fierté d’un peuple pour une langue sèche et aride coincée entre les rives de la Mer Rouge et les contreforts de l’Ethiopie.

La preuve de cette fierté, c’est le succès prévisible du référendum organisé par les Somalilandais la semaine dernière pour approuver leur première constitution, dix ans après la proclamation d’une indépendance non reconnue – prémisses de l’éclatement d’une Somalie artificielle constituée de deux anciennes colonies très différentes qu’on tente malgré elles d’unifier.

Les Somalilandais démontrent bulletins en mains la volonté d’un peuple à disposer de son destin. Même s’il est certain que cela ne changera rien à l’attitude de la communauté internationale, qui s’évertue depuis plus d’un siècle à décider du sort de la région et de ses populations.

C’est à la fin du XIXème siècle que les Anglais ont donné à ce point stratégique contrôlant le Golf d’Aden le nom de Somaliland, clé de l’Océan indien et porte de l’Afrique. Un morceau de pays reconstruit et réinventé par des nomades lassés de la guerre civile et de ces interminables rivalités de clans qui embrasent aujourd’hui encore la Somalie.

Alors que Mogadiscio est devenue le piège des organisations internationales, l’otage des milices et la cité officielle d’un pays réduit à sa capitale, le Somaliland est admiré par beaucoup pour sa détermination. Seul Etat de la région à offrir des garanties et à attirer des investisseurs étrangers, il n’est pourtant reconnu par personne, considéré tout au plus comme une province dont l’autonomie n’est pas encore gagnée.

Ici, les déchets rivalisent avec le sable pour recouvrir le peu de ruines d’un pays qui fut rasé de la carte au point de ne plus avoir de nom. Hargeisa, la capitale officieuse du Somaliland, qui compte aujourd’hui 300’000 habitants, a été entièrement détruite par les troupes de la dictature. Au plus fort de la guerre, la ville n’était habitée que par 5’000 âmes errantes dans les débrits et 50’000 cadavres d’une utopie saccagée.

Aujourd’hui, au sommet de la ville blanche, de grandes maisons de pierre cohabitent avec de rutilantes mosquées qui cachent les restes discrets du martyre. Dans les faubourgs, des réfugiés de retour au pays s’abritent du soleil dans les toukoules, huttes traditionnelles construites avec des arceaux de bois, des peaux de chèvres tanisées recouvertes de papiers et de déchets plastiques – et, dans le meilleur des cas, d’une vaste bâche aux couleurs du HCR, en vente dans les bazars de la ville.

Dans le marché d’Hargeisa, les passages couverts, sombres labyrinthes aux issues incertaines, regorgent d’étoffes du Yémen ou d’Arabie tapissant les murs invisibles. On y trouve nombre d’objets inutiles: porte-manteaux métalliques et posters de cottages anglais!

Plus loin, dans les parfums trompeurs d’encens, j’aperçois la viande noircie par les mouches que nous mangerons à midi. Les vieux bergers en cheich ne mâchent pas encore les feuilles vertes du khat, drogue locale, fléau mais lien social. Le khat est un phénomène quotidien et un rituel masculin inévitable où sont partagées, la bouche gonflée par l’accumulation mastiquée de feuilles amères, les impressions du jour et les chansons de naguère.

Hors les murs d’Hargeisa, hors de la grande ville qui s’invente des ministères aux bureaux vides: le désert à perte de vue, des plaines et des rocs sillonnés par les dromadaires et les serpents, les tortues et les ânes, et quelques bergers qui nous vendront du lait de chamelle. Voici les routes du nomadisme éternel où l’homme erre sans cesse à la recherche d’une eau rare.

Dans les yeux des bergers, les combattants sont encore présents sur les rochers d’El Saleh, source naturelle, refuge des troupeaux en péril au bout d’une piste. Les armes brillent au soleil, elles défendront les «camels» des attaques de hyènes et procurent au berger-guerrier la fierté d’un homme qui invente au jour le jour le destin d’un pays perdu: le Somaliland rêvé dont il faudra bien reconnaître un jour l’existence. Mais la communauté internationale craint trop d’embraser une nouvelle fois la Corne de l’Afrique, pourtant lacérée de l’Érythrée à la Somalie par des conflits régionaux.

Pour les «observateurs», toucher aux frontières de cette région serait prendre le risque de réinventer brutalement la cartographie africaine. Pour le Somaliland et pour ceux qui ont refusé le jeu de la dictature, l’indépendance est une question de survie.

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L’auteur de ce texte et de ces photos, David Collin, travaille à la Radio suisse romande. C’est sa première contribution à Largeur.com.

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A lire aussi, l’article que le quotidien Libération a récemment consacré au Somaliland.

Et les sites suivants:

www.somaliland.com

www.somalilandforum.com

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