La fille de Christophe Blocher, conseillère nationale et patronne d’Ems-Chemie incarne jusqu’à la caricature la frange ultra-libérale de l’UDC. A ses yeux, même economiesuisse se montre trop étatique.
Elle est venue cette semaine râler une nouvelle fois contre les mesures d’accompagnement. Entourée du chef de groupe UDC Thomas Aeschi et du patron de l’Union suisse des arts et métiers Jean-François Rime, la patronne d’Ems-Chemie et conseillère nationale Magdalena Martullo-Blocher, fille de qui l’on sait, a fait savoir qu’elle n’en pouvait plus.
La faute aux garde-fous mis par la Confédération dans le cadre des accords de libre-circulation pour éviter le dumping salarial, et qui auraient, selon l’héritière, créé «un lourd appareil de surveillance étatique». Et surtout permis aux syndicats de faire la loi dans ce beau pays, leur conférant «un pouvoir disproportionné». A l’exemple d’Unia qui ne représente avec ses 200 000 membres, «que 4% des cinq millions de salariés en Suisse».
C’est tout le paradoxe de la xénophilie à la sauce UDC: n’aimer les étrangers que taillables et corvéables. Etre contre la libre-circulation, mais encore plus contre les mesures qui atténuent cette libre-circulation sur le marché du travail, par exemple l’obligation faite aux entreprises étrangères présentes en Suisse d’assurer à leur personnel des conditions suisses.
Ce paradoxe, la fille Blocher l’incarne à merveille. Déjà, comme papa, elle tient grosso modo les politiciens pour des propres à rien. Comparés en tout cas à ces héros drapés de toutes les vertus imaginables que sont les entrepreneurs. Un terme, soit dit en passant, que le langage inclusif peine à dompter. Magdalena l’entrepreneuse, ou Magdalena l’entrepreneure?
La dame en tout cas ne s’embarrasse pas de ces arguties et le dit tout net: «J’éprouve plus de plaisir à diriger mon entreprise qu’à siéger à Berne.» Comme chacun sait, dans la famille Blocher on a le sens du sacrifice. Si l’on condescend à venir s’ennuyer sous la Coupole, ce ne peut être que pour le bien du pays et un bon gros intérêt supérieur.
Il y a tant à faire c’est vrai, et les périls sont si nombreux. Au hasard, «freiner le glissement à gauche de la politique dans le domaine de l’immigration, de l’Europe, de l’énergie». Hercule en serait tout essoufflé. Pas Madame Martullo. En plus, elle sait comment faire, là encore un tic de famille, une sorte de science politique infuse, qui s’articule autour d’un mot magique: dé-ré-gle-men-ta-tion. Et un slogan: «one in, one out». La conseillère nationale grisonne estime en effet «qu’on doit supprimer une loi à chaque fois qu’on en vote une nouvelle».
Elle n’accorde ainsi pas grand crédit aux politiciens professionnels – 80% des Chambres – qui contrairement à elle, qui a un business à faire tourner, et pas un petit, sont bien obligés pour passer le temps et justifier leur existence, de se lancer dans une inflation législative.
Elle ne met pas non plus d’espoir excessif dans une collaboration avec les mous du genou droit, «ces gens du PDC et du PLR» qui «se débinent lorsqu’il s’agit de passer à l’acte». D’ailleurs c’est bien simple, on ne peut compter sur personne, se désole la patronne d’Ems-Chemie.
Voyez, donne-t-elle en exemple dans un interview au Temps en novembre dernier, la mise en œuvre de l’initiative «Contre l’immigration de masse»: «C’est un monstre de bureaucratie qui est sorti des cuisines du parlement. Sous l’égide du PLR et avec le soutien d’economiesuisse. C’est vraiment incroyable!».
Elle en viendrait presque, Magdalena, sous le coup de la stupéfaction, à dire du bien de la gauche: «Avec l’UDC et le PS, on sait toujours à quoi s’en tenir.» Voilà le centre et la droite modérée prévenue: une tenaille hante désormais le parlement, qui menace de les coincer entre la faucille et le Martullo.