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Comment aménager les bureaux de demain

Installée depuis mai à Lausanne, l’agence créative Studio Banana, née à Madrid, se spécialise dans l’organisation des espaces de travail. Les fondateurs livrent leurs conseils.

La solution est là, sur le point de voir le jour. Mais c’est à ce moment-là que la collègue reçoit son habituel coup de fil du lundi et se met à glousser en racontant son weekend «de folie». L’idée qui s’esquissait il y a cinq secondes encore a disparu. Un exemple — parmi d’autres — qui illustre les nombreux problèmes posés par le modèle de l’open space. En 2011, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) avait même mandaté la Haute Ecole des sciences et des arts appliqués de Lucerne pour qu’elle enquête dans les bureaux. Les résultats de cette étude avaient montré que plus le nombre de personnes œuvrant dans un bureau augmente, plus le confort des collaborateurs se dégrade. Faisant preuve d’un bon sens tout fédéral, le SECO recommandait aux entreprises qu’elles «intègrent (…) dans leur calcul de rentabilité les coûts indirects induits par les conditions environnementales négatives qui entravent la productivité et génèrent des absences».

Ainsi, de nombreuses sociétés se penchent très sérieusement sur la meilleure manière d’agencer leurs espaces de travail. Des bureaux d’architecture en ont même fait leur spécialité, à l’instar de Studio Banana qui s’est installé en mai dernier à Lausanne. «Chaque situation est unique et implique une façon particulière de penser l’aménagement, explique Key Portilla Kawamura, co-fondateur, avec Ali Ganjavian, de l’agence créative. Un seul type d’espace ne peut pas répondre à tous les besoins, il faut en créer plusieurs. Un premier pour s’isoler et passer des coups de fil, un second pour discuter, un troisième pour se concentrer, etc. Le collaborateur, toujours plus nomade, se déplace en fonction de la nature de la tâche à accomplir.»

Monastère du Moyen-Age

Dans les années 1990, le fabricant de meubles suisse Vitra avait demandé à Ettore Sottsass, Michele de Lucchi et Andrea Branzi, trois stars italiennes du design et de l’architecture, de repenser l’espace de travail. Nommé «Citizen Office», le projet réduisait à néant l’organisation hiérarchisée en imaginant des «citoyens» évoluant de façon libre et autonome dans les bureaux. Aujourd’hui, Vitra continue de s’inspirer du Citizen Office, aménageant les surfaces selon 16 sous-espaces appelés «Silence Room», «High Work» (chaises et tables de bar) ou encore la «Debate Room» (debout).

Une typologie proche de celle que Studio Banana expérimente dans ses bureaux. Ainsi, la salle de brainstorming n’a pas de table mais des chaises de bar face à un tableau blanc. «Les idées doivent venir vite, il ne faut pas être assis trop confortablement, au risque de s’éterniser, indique Olivier Terny, collaborateur de la structure. Le corps des participants est dans un entre-deux, ils peuvent facilement se lever et inscrire des choses au tableau.»

La posture du corps est un élément récurrent du discours des créatifs de Studio Banana. «On connaît déjà les bureaux dont le plateau peut être monté ou abaissé et qui permet de travailler debout, dit Key Portilla Kawamura. On voit à présent apparaître des éléments roulants sur lesquels prendre place avec son laptop pour travailler en marchant. Le corps a besoin d’être stimulé pour réfléchir différemment.» Pour illustrer cette façon de penser les bureaux, Olivier Terny cite volontiers l’exemple du monastère au Moyen-Age et des moines s’isolant dans leur cellule pour réfléchir et écrire, se mettant en mouvement et socialisant autour du cloître et méditant dans le jardin central.

Participation des collaborateurs

Studio Banana emploie cinq personnes à Lausanne, une vingtaine à Madrid (sur la calle Platano, banane en espagnol) et quatre à Londres. Son modèle d’affaires se décline selon trois piliers. «Nous sommes d’abord une agence créative et nous aidons les entreprises dans leurs processus d’innovation, en les aidant à penser le design», explique Key Portilla Kawamura. Parmi les clients de l’agence: les CFF, l’EPFL, Ernst & Young ou Nestlé. La deuxième casquette du studio est celle de créateur d’objets, avec déjà un bestseller: l’OstrichPillow, un coussin dans lequel mettre la tête pour faire la sieste. «Il existe à présent une version mini qui permet de se reposer sur son coude ou sa main, ainsi que la déclinaison ‘light’, un bandeau à porter autour du cou pour soutenir les cervicales, sur les yeux pour s’endormir ou encore sur la tête pour la caler confortablement contre une vitre de train par exemple.»

Troisième activité de l’agence: la constitution d’une communauté de professionnels œuvrant dans le même espace et pouvant être amenés à travailler ensemble. «Nous sentions le besoin d’aller au-delà du modèle standard du coworking, explique le directeur hispano-japonais. Nous voulions apporter plus que la simple mutualisation des infrastructures en créant un lieu d’échanges favorisant les collaborations et l’innovation.» Autour du noyau dur des cinq employés de Studio Banana, l’espace lausannois accueille aussi des architectes, graphistes, créateurs de sites internet et même une école de naturopathie.

«Quand nous commençons un mandat d’aménagement de bureaux, il est pour nous très important de bien comprendre qui sont les collaborateurs, quel est l’espace et quels sont les processus qui doivent y prendre place, détaille Olivier Terny. Ce triangle d’interaction est primordial.» Discuter avec les collaborateurs des différents services constitue alors une première étape indispensable. «Ils participent pleinement à l’élaboration de leur environnement de travail. Ils en sont aussi les créateurs.» Et les «citoyens» évoluant de façon libre et autonome dans les bureaux tels que les imaginaient Sottsass, de Lucchi et Branzi.
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ENCADRE

Un mobilier de bureau intelligent

La société genevoise Brandstorm a créé une table qui s’adapte à l’espace à disposition et au nombre de collaborateurs.

«Zéro pollution visuelle, flexibilité totale.» Le brief de Raphaël Henry, directeur créatif de la société Brandstorm, spécialisée dans l’architecture de marques, tenait en peu de mots. Pour que le nombre croissant de collaborateurs de la structure puissent travailler confortablement ensemble, l’équipe se met à imaginer un design de table idéale qui s’adapte à l’espace à disposition et permettrait à chacun de s’asseoir autour. «Le meuble final émane d’une réflexion commune», explique Marc Henry l’un des associés du bureau.

La table s’adapte grâce à un système lui permettant de se déployer ou de se contracter. Le design du meuble permet quant à lui de canaliser les câbles et de ranger dans des tiroirs intégrés au plateau les documents et stylos. Enfin, les matériaux — une structure en métal, du bois et du linoléum contrecollé — ont été choisis pour leur résistance et leur stabilité. En outre, ils donnent au meuble la légèreté requise. «Nos clients, lorsqu’ils nous rendaient visite, aimaient beaucoup cette table. Elle a tellement plu qu’on l’a d’abord éditée pour un bureau de trading à Genève, puis on a continué à en produire à la demande, en petites séries.»

En septembre dernier, Brandstorm a présenté au Detroit Design Festival un ensemble de meubles — console, table ovale, table à manger et bureau – inspirés de cette première pièce. «Si le design a été pensé en Suisse, nous avons fait développer les pièces à Détroit, raconte Marc Henry. La marque Shinola, qui fait partie de nos clients, est basée dans cette ville et nous avons plusieurs contacts sur place. L’opportunité de produire les objets s’est naturellement présentée. Cette table combine plusieurs matériaux et des plateaux qui doivent s’imbriquer. Nous avons fait appel à un partenaire à Détroit qui sait exactement comment créer cet emboîtement.» Brandstorm se dit à présent prêt à commencer une production locale en Suisse, en Europe et en Chine, le but étant de réduire la distance entre le lieu de production et le client.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.