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Le mirage des sourires pour quelques francs

La tendance du low cost atteint désormais les soins orthodontiques. Diverses entreprises proposent un réalignement des dents pour des sommes particulièrement attrayantes. Mais la qualité est-elle toujours au rendez-vous ?

En Suisse, il n’est pas rare de lire des affiches publicitaires proposant des prestations orthodontiques. Des entreprises désormais bien installées dans le pays offrent des services défiant toute concurrence. Ces sociétés sont spécialisées dans le réalignement des dents à l’aide de gouttières transparentes. De quoi remplacer les bagues métalliques traditionnelles par un appareil invisible et léger. Certaines proposent également la pose de facettes en céramique ultra-fines qui se collent contre les dents pour donner un aspect blanc et lisse à des dents abîmées. «Si le ou la patient·e présente un déplacement simple de certaines dents, une solution de ce type va très bien fonctionner », explique Martin Broome, médecin-chef du Centre de médecine dentaire et orale du CHUV. Mais dans de nombreuses situations, ces offres miracles ne sont pas aussi efficaces qu’annoncé.

Un système automatisé et standardisé

Les entreprises de traitements orthodontiques à bas coût fonctionnent ainsi: les personnes intéressées se rendent dans une clinique où une série d’empreintes dentaires numériques sont prises à l’aide d’une caméra. Cette opération est généralement réalisée par un·e assistant·e dentaire. En théorie, l’orthodontiste doit toujours être présent, «mais ce n’est pas toujours le cas », observe Martin Broome. Les données sont analysées, et un algorithme détermine l’empreinte dentaire optimale à réaliser. Un autre logiciel crée une série de gouttières. Toutes ont un petit défaut volontaire, qui provoque ainsi un léger mouvement de la couronne dentaire. Une fois fabriquées, les gouttières sont envoyées à domicile par la poste. Pour la majorité de ces entreprises, il n’existe ensuite pas ou peu de suivi, ou uniquement par le biais d’une application digitale.

« Pour les personnes qui présentent un problème au niveau de la base osseuse, par exemple une mâchoire trop en arrière ou trop en avant, l’ordinateur ne va pas pouvoir l’identifier, explique le spécialiste du CHUV. Ces solutions à bas coût n’apportent que des corrections dentaires, mais n’effectuent pas du tout d’action orthopédique, alors qu’il faut parfois forcer les dents dans une position qui n’est pas naturelle, ce qu’une gouttière ne peut pas effectuer. » Et même dans ce cas, souvent, l’entreprise préconisera  malgré tout le port d’une gouttière, qui se révélera alors parfaitement inefficace.

Choisir en connaissance de cause

Les gouttières d’alignement transparentes,présentées comme faciles d’utilisation, sont en réalité contraignantes puisqu’il faut les porter 20h sur 24. Elles doivent également être changées chaque semaine : pour les cas simples, le traitement s’étend sur dix à quinze semaines et, pour les situations plus compliquées, jusqu’à près d’une année. Une gestion peu évidente à assurer, notamment par les adolescent·e·s. Si un traitement avec des bagues métalliques est également lourd, il paraît néanmoins essentiel que les patient·e·s puissent faire leur choix entre les deux méthodes en toute connaissance de cause.

L’avantage d’aller consulter un orthodontiste indépendant est qu’à la première rencontre, celui-ci va effectuer un bilan complet de la santé buccale et de l’état des dents. Un moyen d’identifier d’éventuelles complications qu’un système informatisé est incapable de déceler. « Ces prestations à bas coût écartent complètement l’élément humain, qui reste le garde-fou d’un traitement inadéquat », avance le spécialiste.

Absence de suivi

Avec un système où les personnes se trouvent livrées à elles-mêmes une fois les gouttières reçues, il est difficile de savoir vers qui se tourner en cas de problème. « Ces entreprises se concentrent sur le fait d’avoir un beau sourire. Nous recevons régulièrement des personnes qui en reviennent insatisfaites, et n’ont pas du tout reçu de proposition de correction si les résultats escomptés ne sont pas atteints », relève Martin Broome.

Car sur les sites d’évaluation, figurent également des avis beaucoup moins enthousiastes : résultat final non conforme à ce qui était annoncé (un problème de morphologie non détecté dès le début) ; sévère manque de communication ; dents saines abimées suite à un soin donné ; consultations prétendues gratuites alors que tout diagnostic nécessite au minimum une radio à 100 francs.

« De manière générale, c’est toujours compliqué de faire reconnaître une erreur médicale, prévient Yannis Papadaniel, responsable santé à la Fédération romande des consommateurs (FRC). C’est aux patient·e·s que revient la charge de la preuve. En outre, la procédure a également un coût financier. » Selon les cas, les procédures judiciaires peuvent être évitées : en matière de soins dentaires, chaque antenne cantonale de la SSO (Société suisse des médecins dentistes) dispose d’une commission de médiation.

Prix d’appel et coûts cachés

Un des atouts majeurs de ces entreprises repose sur leurs tarifs attrayants : 1990 francs tout compris pour un alignement avec gouttières ou encore un traitement complet dès 40 francs par mois. Mais si l’on regarde dans le détail, on découvre que le prix de l’alignement des dents d’une mâchoire est proposé dès 2490 francs, par exemple. Pour la pose de facettes dentaires en céramique ultra-fine, un abonnement dès 80 francs par mois cache un montant de 8900 francs pour 12 pièces.

Selon le médecin-chef du Centre de médecine dentaire et orale du CHUV Martin Broome, les prestations de ces sociétés et celles d’un orthodontiste traditionnel peuvent aller du simple au double. Moins de personnel, moins de suivi, et donc moins de frais pour l’entreprise. Et encore, les prix bas sont relatifs. Au moindre problème, s’il faut suivre un autre traitement car l’offre initiale ne répond pas au résultat escompté, le coût final peut être beaucoup plus élevé que ce qui était annoncé.

Pratiquer des prix variables reste cependant tout à fait légal, les tarifs dentaires n’étant pas soumis à des tarifs de référence comme dans le système Tarmed. Ceci signifie qu’ils ne peuvent pas être dépassés, mais un·e praticien·ne peut tout à fait facturer en dessous du tarif indiqué. « Les soins dentaires sont donc soumis à la concurrence, relève Yannis Papadaniel, responsable santé à la FRC. Cela peut constituer un avantage, mais le problème reste que, souvent, l’utilisateur·trice ne comprend pas comment le prix est calculé et les raisons des variations. »

L’explication des bas coûts tient aussi au fait que ces sociétés sont bien implantées dans toutes les agglomérations romandes et alémaniques. Il y a donc des investisseurs derrière chacune d’elles. Ces entreprises peuvent se permettre des économies d’échelle.

Mais ces entreprises se focalisent sur le fait de donner un beau sourire de manière plutôt standardisée. Il convient à chacun·e de faire ses choix en fonction du problème dentaire rencontré : quelques dents désalignées ou abîmées peuvent tout à fait être arrangées avec des solutions bon marché. En cas de doute ou de problème plus grave, un bilan global de la santé dentaire s’avère incontournable.

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Expérience ratée

Séduite par les publicités, Lauren a voulu tenter l’expérience. « Les traitements orthodontiques classiques sont particulièrement onéreux, alors je me suis laissé convaincre par ces entreprises aux offres de consultation gratuite. Les bureaux n’étaient pas ceux d’un cabinet dentaire, les photos de mes dents ont été prises avec un smartphone, se souvient la Genevoise de 39 ans. Et contrairement à leur publicité, il fallait payer. Face à mon refus, ils se sont énervés. J’irai plutôt voir un vrai orthodontiste. Finalement, on sait pourquoi on paie le prix d’un service. »

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Erreur médicale, que faire ?

« Afin d’éviter toute ‹ erreur › médicale, mieux vaut agir en amont : s’informer,poser des questions pour bien comprendre ce que le praticien nous propose, ou encore demander plusieurs avis constituent la première étape pour ne pas avoir de mauvaises surprises par la suite, conseille Yannis Papadaniel, responsable santé à la Fédération romande des consommateurs (FRC). Une fois le traitement effectué, s’il ne correspond pas à ce qui avait été annoncé, il faut communiquer son désaccord au médecin concerné par lettre recommandée, en expliquant précisément quels sont les points d’insatisfaction. » Une médiation – parfois directementdisponible à l’hôpital – peut aussi représenter une aide. Si ces démarches ne suffisent pas, il est recommandé de faire évaluer le cas par un organisme indépendant de défense des patient·e·s, par exemple par l’OSP ou la Fédération suisse des patients ou de regarder auprès des assurances de protection juridique.

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Connaître ses droits

En Suisse, il existe des associations pour soutenir les personnes qui souhaitent obtenir de l’aide ou des informations en cas d’erreur médicale. L’Organisation suisse des patients, par exemple, s’occupe à la fois des patient·e·s, mais aussi de leurs proches ou des professionnel·le·s qui auraient commis une erreur de traitement. La Fédération suisse des patients est également active dans ce domaine. Son but: favoriser la transparence dans le domaine de la santé publique. Elle est aussi en mesure d’informer les individus sur leurs droits en matière de soins. Pour encourager la population à se renseigner sur ses droits dans ce domaine, les cantons latins de Suisse ont, de leur côté, réalisé la brochure «L’essentiel sur les droits des patients », disponible en ligne.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans In Vivo magazine (no 26).

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