LATITUDES

Le gruyère caramel en vedette

Dans chaque numéro, «The Lausanner» vous présente un exposant du marché de Lausanne. Pour cette édition, pleins feux sur l’affineur Duttweiler Fromages.

Le nom de son Gruyère caramel est sur toutes les lèvres, son goût unique ravit tous les palais, jusque dans les palaces romands : depuis plus de quatre décennies, le Lausannois Jacques Duttweiler régale sa clientèle de fromages artisanaux qu’il a affinés. Aujourd’hui retraité, il partage ses secrets de fabrication avec Xheladin «Gelo» Mustafa qui a repris les rênes de l’entreprise. Interview croisée.

Quel est votre parcours?

Jacques: Après mon école hôtelière à Genève, j’ai voulu être fromager comme mon grandpère. J’ai fondé mon entreprise en 1978. Au début, j’étais berger et je faisais du fromage de brebis. Puis je suis devenu affineur.

Gelo: Jacques m’a engagé en 2012. J’étais cuisinier, il m’a appris le métier d’affineur. En 2019, j’ai repris l’entreprise, mais il reste le chef ! (Rires.) Tant mieux, car je lui demande toujours son avis.

Jacques: Il n’en a pas besoin, Gelo sait affiner exactement comme moi !

Quels fromages vendez-vous principalement?

J: Des fromages suisses d’alpage naturels : notre Gruyère caramel, du vacherin fribourgeois, du L’Étivaz… Notre spécialité, c’est le fromage au lait cru, car pasteuriser tue le goût. On fait également un mélange pour fondue.

Quelle quantité de fromages affinez-vous?

G: On est une toute petite entreprise, il n’y a que Jacques et moi. On travaille avec trois fromagers de la région qui produisent chacun quatre ou cinq meules par jour. Ils les gardent six à sept mois. Ensuite, nous nous occupons de l’affinage.

Comment est né votre Gruyère caramel?

J: Grâce à des notes de mon grand-père. J’ai suivi sa technique et je l’ai développée. Un jour, en 1992, Jean-Pierre Coffe (critique gastronomique français, disparu en 2016, ndlr) entre dans le magasin que nous avions à l’époque à la rue de l’Ale avec mon épouse. Il le goûte et s’exclame : « Avec ça, on n’a plus besoin de dessert, on a tout eu ! Il a un goût de caramel. » J’y ai repensé le jour où le chef Philippe Rochat m’a aussi dit qu’il avait une finalité de caramel. Je l’ai alors baptisé « Gruyère caramel ». Depuis 2011, c’est une marque déposée.

Quel est son secret?

J: La méthode d’affinage que j’ai créée. Il est vieilli trente-deux mois dans des caves naturelles en molasse, creusées dans la montagne, avec un degré d’humidité entre 80 et 100%. Il faut retourner les meules, les frotter, les changer de cave. On le vend CHF 39.- le kilo au marché.

Comment vous êtes-vous imposés chez les chefs?

J: Grâce à Frédy Girardet de l’Hôtel de Ville de Crissier. Il m’avait commandé du brebis pour un dessert. Quarante ans et trois chefs plus tard, nous collaborons encore avec ce restaurant. Ce que veulent les chefs, c’est qu’on leur garantisse toujours la même qualité. Nous fournissons aussi d’autres grandes tables, comme celle d’Anne-Sophie Pic au Beau-Rivage Palace.

G: Beaucoup de clients viennent nous trouver après avoir dégusté nos fromages au restaurant.

Ce fut le cas de la princesse Anne?

J: Oui, quand nous avions encore notre magasin, un soir, juste après la fermeture, un gars tape contre la vitre et me demande d’ouvrir pour la princesse d’Angleterre ! Elle avait goûté nos fromages au Lausanne Palace et voulait en rapporter dans son pays. Elle a acheté une belle quantité de fromages suisses et du Gruyère caramel, évidemment.

Au marché : Place de la Riponne, Lausanne, les mercredis et samedis, de 7h à 14h

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (n° 10).