LATITUDES

Ces athlètes qui s’automutilent

Le handisport n’est pas à l’abri du dopage. Une pratique appelée «boosting» passe par des sévices corporels que les concurrents s’infligent pour améliorer leurs performances.

Les sportifs handicapés se dopent autant, si ce n’est davantage, que les valides. Pas différents des autres athlètes, ils sont mus par le même esprit de compétition. Pour gagner, ces aspirants à la victoire sont prêts à tout. Avaler ou s’injecter des potions magiques en fait partie. Handicapés et valides ne sont d’ailleurs pas contrôlés différemment. Les produits interdits sont les mêmes avec cependant, en handisport, plus d’autorisation d’usage de médicaments à des fins thérapeutiques.

C’est en 2000, aux Jeux de Sydney, que le problème est apparu au grand jour avec 11 compétiteurs paralympiques convaincus de dopage. A la liste des produits à l’origine des contrôles positifs s’ajoute une pratique propre aux blessés médullaires (les plus nombreux). Celle-ci vise à accroître la pression sanguine et le rythme cardiaque (deux fonctions qui, suite à leur accident, se trouvent déficientes) pour améliorer leurs performances physiques. Or, le moyen le plus efficace d’y parvenir consiste à s’infliger des sévices corporels. A s’automutiler dans la partie inférieure du corps.

En effet, grâce à un tel procédé, ces handicapés se mettent en état d’«hyperréflexivité autonome». Du jargon médical qui renvoie à la spécificité de la partie paralysée de leur corps qui est déconnectée des centres nerveux centraux (ils ne ressentent pas la douleur) tout en conservant une activité réflexe (appelée précisément hyperréflexivité autonome).

Boire beaucoup et s’empêcher d’uriner en bloquant le cathéter qui recueille l’urine, s’asseoir sur des punaises, lacérer ou ligaturer ses testicules ou, plus efficace encore, se briser un os des jambes ou un orteil, figurent au nombre des actes mutilants auxquels recourent les candidats aux médailles. La création d’une douleur très intense a la faculté de libérer des hormones (cortisol et catécholamines) qui permettent d’augmenter les performances jusqu’à 15%.

De plus, ces diverses agressions déclenchent une oxygénation des tissus bénéfique au travail musculaire. Ce type bien particulier de dopage endogène porte un nom: le «boosting».

Attaques cérébrales et cardiaques, aphasie, hémorragies cérébrales, épilepsie, troubles visuels comptent parmi les dangers inhérents au boosting. Pas aveugle, le Comité international paralympique a tenté de le bannir dès 1994. Ainsi, les sportifs avec une tension artérielle supérieure à 180 mm Hg ne peuvent prendre part à des compétitions. Idem pour les tentatives délibérées de mutilation. Or, ces dernières, très difficiles à détecter, continuent à passer entre les mailles des contrôles.

Peu d’études scientifiques documentent ce sujet. Un travail mené au Canada s’est intéressé à la marge d’amélioration possible grâce au boosting sur l’épreuve du marathon. Résultat: jusqu’à 12 minutes pour un athlète de haut niveau. Une autre recherche estime que 30% des athlètes y ont recours avec, chez les compétiteurs de rugby en chaise roulante un pourcentage qui grimperait à 50%.