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Les promesses frauduleuses des compléments alimentaires

La consommation de pilules censées compléter l’alimentation bondit en Suisse. Problème: 80% des produits testés ne répondent pas à la législation.

Vitamines, capsules de guarana, antioxydants à base de goji: l’intérêt des consommateurs pour les compléments alimentaires semble sans limite. «Ces produits sont de plus en plus demandés, observe Johannes Schroeder, coresponsable de la Pharmacie populaire des Pâquis à Genève. Les fabricants font énormément de publicité. Dans les magazines féminins, ils apparaissent souvent sur les mêmes pages que des conseils de santé liés à l’alimentation, au sport ou à la fumée.» Patrick Edder, chimiste cantonal à Genève, constate la même tendance: «Nous recevons toujours plus d’appels d’entreprises qui veulent commercialiser ce type de produits.»

Préoccupés par l’augmentation du nombre de marques et de boutiques spécialisées, les six laboratoires cantonaux romands ont entrepris une campagne de contrôle en 2011, en se concentrant avant tout sur les compléments à base de plantes. Les résultats sont effarants: 80% des 235 produits testés ne respectent pas la législation suisse. «Les étiquettes et les publicités des compléments alimentaires comportent souvent des allégations illégales, comme par exemple «fait mincir», «renforce le système immunitaire», «améliore les performances sexuelles», explique Patrick Edder, qui précise que de tels produits, une fois identifiés sur le marché, sont retirés de la vente.

En effet, contrairement aux médicaments, les compléments alimentaires n’ont pas le droit de faire mention d’effets thérapeutiques à des fins publicitaires, qu’il s’agisse de prévenir ou de guérir une affection. Dans la loi suisse, ces produits sont simplement considérés comme des aliments.»

Contaminé au plomb

Si le chimiste ne remet pas en cause les produits bien connus tels que les vitamines et les sels minéraux, il reste méfiant envers les autres sortes de compléments alimentaires, comme ceux à base de plantes: «Les trois quarts d’entre eux ne contiennent que de la «poudre de perlimpinpin vendue à prix fort». Pire, certains articles sont même contaminés au plomb ou comportent des substances strictement réservées aux médicaments. Dans un échantillon, les laboratoires cantonaux ont par exemple trouvé de la «griffe du diable», une plante aux propriétés analgésiques, sédatives et diurétiques, qui est uniquement autorisée sous forme médicamenteuse. Un autre produit censé faire perdre du poids contenait une amphétamine coupe-faim nommée sibutramine. «Certaines personnes se sont plaintes de vertiges suite à la consommation de pilules achetées sur internet, où l’on trouve de tout», raconte Patrick Edder.

La vogue des compléments alimentaires se résumerait-elle à un jeu de dupes sans bénéfice pour la santé? Les professionnels de la diététique recommandent surtout leur usage dans le cas de carences alimentaires. «Bien sûr, il ne faut pas acheter n’importe quoi, mais des produits naturels, reconnus et, surtout, conseillés par des professionnels de la santé, dit Patrick Leconte, nutritionniste à Lausanne et Genève. Et pour se sentir mieux, il s’agit avant tout d’adapter son alimentation avant de prendre des pilules. Mais de nombreuses personnes présentent des carences qu’il est difficile de combler seulement en mangeant mieux — vu la pauvreté de notre alimentation actuelle. Un complément alimentaire peut dès lors servir d’appoint.»

Cependant, «il faut être prudent avec les emballages qui affichent des composés comme des plantes atypiques, prévient Patrick Edder. Elles peuvent avoir un effet physiologique pas forcément maîtrisé. On a souvent la fausse idée que tout ce qui est naturel est sain.» En Suisse, les produits présentant un effet thérapeutique avérés doivent être homologués. Sur l’emballage, ces médicaments autorisés sont reconnaissables par l’inscription «Swissmedic».

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Une version de cette article est parue dans L’Hebdo.