KAPITAL

IBM et les promesses du cloud computing

Le géant américain a ouvert un nouveau chapitre de son histoire en mettant l’accent sur le cloud computing. Cette solution qui permet aux entreprises d’externaliser leurs ressources informatiques s’impose progressivement comme un standard. La sécurisation des données en est la clé de voûte. Explications.

Bienvenue dans un monde où le crime électronique est omniprésent. «Il y a seulement quelques années, le hacking n’était qu’un jeu, explique Klaus Julius, spécialiste de la sécurité IT au centre de recherche IBM de Rüschlikon, près de Zurich. Aujourd’hui, la cybercriminalité est une activité lucrative pouvant servir aussi bien à des fins politiques qu’économiques. Elle est gérée par des communautés underground très bien organisées.»

Les dégâts causés coûtent cher: selon l’institut américain Ponemon, qui a étudié 45 entreprises, ils s’élèvent en moyenne à 6,5 millions de dollars par an et par entreprise. Dans un tel contexte, la sécurité est devenue la priorité des responsables IT.

IBM, le géant américain de la technologie, leader du marché des réseaux informatiques d’entreprises, a fait de la sécurisation de ses réseaux l’une de ses spécialités. Ses efforts ont été récompensés par le Prix «Best Security Company» du magazine américain «SC», une publication destinée aux professionnels du secteur.

Ce positionnement d’IBM dans la sécurité doit entraîner de forts gains en rentabilité. L’entreprise s’est délestée au cours des dernières années d’une bonne partie de sa division hardware, qui offre une marge brute de seulement 35%, et a acquis une centaine d’entreprises de logiciels, dont les marges peuvent s’élever à 80%.

«IBM s’est grandement réorganisée, explique Oskar Schenker, analyste à la banque Sarasin à Zurich. Sa nouvelle stratégie se concentre désormais sur les services intégrés, dont ceux liés au cloud computing.» On entend par cloud computing la gestion de l’informatique des clients sur des serveurs décentralisés. Ce marché est promis à une croissance de 20% par an jusqu’en 2014, estime l’institut Gartner.

Le modèle du cloud computing implique que les données de plusieurs entreprises clientes sont traitées et stockées sur les data centers d’un même prestataire tel qu’IBM, ce qui pose des questions délicates en matière de sécurité. Où se trouvent exactement les données? Sont-elles bien hors de portée de concurrents ou autres hackers? Qui dispose d’un accès «administrateur»? Quel recours en cas de faille de sécurité ou de disponibilité?

Plusieurs sondages montrent que la sécurité représente le frein principal à l’adoption du cloud computing. Les sociétés qui visent le risque zéro optent donc pour une solution apellée cloud «privé» et évitent ainsi de devoir partager les serveurs du prestataire avec d’autres clients. «Un cloud privé est beaucoup plus cher, mais les grandes entreprises, voulant garantir leur niveau de confidentialité, s’y intéressent de plus en plus», rapporte Christopher Silbern, analyste à la banque Pictet.

IBM est particulièrement bien placée sur ce marché: un sondage de l’institut genevois IDC, entre autres, montre que l’entreprise américaine se profile comme le fournisseur préféré de services liés au cloud privé, suivi de loin par Accenture, Microsoft, Google, Oracle et HP. «Les ordinateurs centraux, les serveurs et leur sécurité sont des compétences de base d’IBM, souligne Oskar Schenker de la banque Sarasin. L’entreprise a construit sa réputation sur le hardware et les services. Ce savoir-faire est fondamental pour gérer des clouds privés.» IBM compte déjà, par exemple, 95% des 500 plus grandes banques parmi ses clients.

Les gouvernements aussi aimeraient tirer parti du cloud computing. Même l’administration Obama, dans son budget 2011, encourage les agences fédérales à l’adopter. Elle espère ainsi réduire ses dépenses IT s’élevant à près de 80 milliards de dollars par an (une étude de Booz Allen Hamilton montre qu’elle pourrait économiser jusqu’à 85% du budget actuel). «La migration des gouvernements risque de prendre un peu plus de temps, explique Laura Lederman, analyste à William Blair & Company. Mais au niveau mondial, cet énorme marché va sûrement profiter à des prestataires de clouds privés déjà implantés dans ces organisations et étant capables de fournir un service clés en main. IBM ou Microsoft, par exemple.» Les gouvernements de pays émergents (Inde, Chine), ayant subi une forte croissance mais n’ayant historiquement que peu investi dans l’IT, considèrent également les avantages de ces nouvelles solutions. Une importante augmentation de leurs dépenses en informatique est attendue dès cette année.
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IBM en chiffres

400’000
Le nombre d’employés d’IBM.

4’914
Le nombre de brevets générés par IBM en 2009, un nouveau record la plaçant au top mondial de l’innovation pour la 17e année consécutive.

80%
La part des revenus provenant du domaine des logiciels et services.
Aujourd’hui, IBM se concentre exclusivement sur le marché des entreprises. La firme américaine continue toutefois à produire les serveurs considérés comme les plus puissants et les plus fiables au monde. Son dernier modèle, le zEnterreprise, a été annoncé en juillet.

5
Le nombre de chercheurs d’IBM à avoir reçu le Prix Nobel.
L’entreprise bénéficie d’une image de marque exceptionnelle: «Businessweek» la classe au deuxième rang après Coca-Cola.
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Cloud computing, mode d’emploi

Le terme cloud computing fait référence à des services et ressources informatiques fournis à la demande à travers internet. La mise en œuvre s’appuie sur des serveurs hébergés dans des datacenters.

Ce paradigme révolutionne la manière des entreprises de gérer leurs ressources IT, conduisant à des économies budgétaires considérables. C’est aussi un moyen d’accéder à des capacités de calcul ou de stockage inimaginables auparavant.

Dans la version dite «publique» du cloud computing, des applications (gestion d’e-mails, collaboration, CRM) sont louées sur le site internet d’un prestataire de services externe comme Google ou IBM. Ce modèle évite aux entreprises de devoir elles-mêmes investir dans des logiciels, une infrastructure centrale et du personnel informatique. Pour les responsables IT, le système est flexible: en un clic, ils peuvent adapter leurs besoins en mémoire ou en capacité de calcul. L’entreprise ne paie que ce qu’elle consomme.

Facebook ou Gmail sont des exemples connus d’applications de cloud computing public gratuites. L’offre d’IBM la plus connue sur le cloud public est LotusLive, une plateforme de collaboration faisant penser à Facebook, mais augmentée de fonctions de gestion d’e-mails, de vidéoconférence et de partage de données. L’utilisateur y accède par son navigateur et paie un tarif mensuel. En janvier, Panasonic a annoncé la migration de l’ensemble de ses 300’000 collaborateurs sur ce programme.

Dans la version «privée» du cloud computing, les applications ne sont fournies qu’à travers un réseau IP privé et leur accès par internet est restreint.
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine (no 5).