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L’embrouillamini du genre

Après le départ d’Ueli Maurer, celui de Simonetta Sommaruga. Après les hommages convenus, les subtilités de la succession, et des équilibres contradictoires à respecter.

On ne dira pas que les rats quittent le navire. Ni que la démissionnite soit une maladie contagieuse. Ueli Maurer et Simonetta Sommaruga n’ont sans doute, chacun à leur façon, pas plus démérité que d’autres. Mieux, ces départs annoncés du Conseil fédéral ont le bon goût, comme souvent il est vrai, sauf retentissante exception, d’être volontaires.

Il existe en effet assez peu de pays, même démocratiques, où cela se passe ainsi. Normalement, on ne s’en va que très contraint, bien forcé, et tout à fait fâché. Après une sanglante bataille électorale dont on contestera généralement l’issue, ou cramé par une affaire de mœurs, voire des indélicatesses financières, si pas chassé piteusement par la vindicte populaire, ou encore saqué par une autorité jupitérienne.

Rien de tout ça dans la paisible Confédération. On rend hommage vite fait aux partants. Ueli, ainsi, aura été «une bête politique» qui n’a «laissé personne indifférent», sachant «flirter avec les limites», «gardien passionné de la caisse fédérale». Comme titre de gloire, à droite, ce cri du cœur pour refuser une interview à la TV: «Krä Luscht!», autrement dit, pas envie!

Quant à  Simonetta Sommaruga, elle aura été «une femme de dossiers», avançant «toujours sur des faits documentés scientifiquement», une citoyenne qui a «su rester proche des gens et de leurs soucis», une personnalité «chaleureuse et abordable». Comme titre de gloire, à gauche, avoir été la tête de turc préférée du rédacteur en chef du «Die Weltwoche», le si doux Roger Köppel.

L’encens à peine dissipé, on s’affaire au toto calcio de la succession. Si les cinq postulants au ticket UDC sont connus, on n’en est encore chez les socialistes, qu’à une valse de noms –Herzog, Wasserfallen, Allemann, Masshardt– qui ne disent pour l’heure pas grand-chose à quiconque, sauf dans les cantons d’origine ou à la buvette du Palais fédéral.

Sera-ce Evi, sera-ce Eva? A moins que Flavia ou Nadine…Ce qui semble à peu près sûr, c’est que ce sera une femme. Il y a des dogmes avec lesquels à gauche on ne plaisante plus depuis longtemps, le genre en un, et des plus costauds. Tellement qu’il supplante ceux de la langue et de la géographie, jadis incontournables dans ces sortes d’affaires, ainsi que l’explique Cédric Wermuth, coprésident du parti: «Ce qui nous tient à cœur, c’est l’égalité homme-femme. Dans cette optique, nous pouvons très bien concevoir que deux Romands ou deux Tessinois représentent le parti au Conseil fédéral.»

Du coup, on entend parler des candidatures possibles des vaudoises Nuria Gorrite et Rebecca Ruiz, de la jurassienne Elisabeth Baume-Schneider ou encore de la tessinoise Marina Carobbio Guscetti. Si l’une d’elle est élue, on arriverait à cette première dans l’histoire suisse: un Conseil fédéral majoritairement latin, dans un pays à 70% alémanique. Du coup aussi, exit d’office le zurichois Daniel Jositsch, figure du parti qui semblait taillé pour le job.

Bref, une femme à tout prix, d’où qu’elle vienne, et tant pis si le subtil équilibre confédéral a toujours reposé sur une répartition entre régions, et pas sur une parité de genre. Autant se demander si une Valaisanne se sentira mieux représentée par une Zurichoise plutôt que par un Valaisan, ou un Vaudois par un Bernois plutôt que par une Vaudoise. Ce qui reviendrait à devoir trancher entre sexe et culture. A se demander si la parité homme-femme, noble et juste cause, est bien la mère de toutes les justes causes.

Foin de ces embrouillaminis, et rendez-vous le 7 décembre.