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Gentil comme le Rösti

Le candidat bernois au Conseil fédéral croule sous les louanges des autres partis, surtout les sections romandes. Un type tip top, Albert Rösti? Trop beau, évidemment, pour être vrai.

Bien sûr cela n’a pas beaucoup d’importance. Personne n’est empêché de dormir par la succession d’Ueli Maurer au gouvernement. La raison en est assez simple: le Conseil fédéral reste une saine machine à laver les egos, réduire les grosses têtes, bannir les convictions trop personnelles et punir les actes trop marqués d’autorité –Blocher s’en souvient encore.

La seule inconnue qui demeure, c’est à quelle sauce le nouvel élu sera mangé et à quelle vitesse. L’UDC n’étant cependant pas tout à fait un parti gouvernemental comme les autres, le rituel de campagne obéit à des règles particulières, dont la principale, surtout en Suisse romande, consiste à déterminer parmi les candidats, qui est le gentil. Car il y a toujours un gentil, habituellement plutôt bernois que zurichois.

Il se trouve que cette fois le gentil, qui s’appelle Rösti –naturellement bernois–, est aussi le favori. Poli, posé, respectueux, sympathique, ouvert au compromis, maniant un français audible, et surtout président de la Fédération du cheval franches-montagnes: que veut-on de mieux?

Surtout si on le compare avec certains autres profils ayant fait acte de candidature. Le zougois Heinz Tännler par exemple, dont il suffit de dire qu’il est un ancien cadre de la FIFA pour que les cœurs se soulèvent aussitôt d’indignation. Le cas de Werner Salzmann, d’une espèce assez rare puisqu’il s’agit d’un méchant bernois, est aussi assez vite réglé: cet homme-là ne pense qu’à l’armée et aux questions  sécuritaires.

Quant à la nidwaldienne Michèle Blöchliger, elle a montré durant la période Covid comme directrice du département de la santé de son canton qu’elle ne plaisantait pas avec certaines valeurs fondamentales, quitte à s’asseoir sur le principe de précaution: elle a laissé ouvertes les pistes de ski, contre l’avis du Conseil fédéral.

Mais patatras les choses se compliquent avec le candidat surprise que l’UDC zurichoise a sorti de son gros chapeau, cet Hans-Ueli Vogt présenté comme atypique: citadin, professeur de droit, se définissant lui-même comme «cérébral», bref tout ce que l’UDC ne serait pas. Sauf que c’est à lui que l’on doit l’assez peu cérébrale initiative, rejetée par le peuple, contre «les juges étrangers».

Ce qu’il y a de bien avec Hans-Ueli Vogt, c’est qu’il permet vite de relativiser la gentillesse du gentil Rösti. Il suffit d’écouter pourquoi un dur d’entre les durs comme le Conseiller national valaisan Jean-Luc Addor choisit Rösti plutôt que Vogt. «L’UDC est un parti conservateur qui doit le rester, et je ne peux imaginer qu’il soit représenté au Conseil fédéral par un élu comme le Zurichois Hans-Ueli Vogt aux positions si ouvertes sur les questions de société. Je me fiche qu’il soit homosexuel, mais je ne peux soutenir ses inclinaisons pour le mariage pour tous, et autres».

C’est un fait qu’Albert Rösti a déjà promis de défendre au gouvernement «sans ambiguïté les valeurs de l’UDC et de son électorat». Il faut aussi savoir que l’homme a été président de Swissoil et de l’Action pour une politique énergétique raisonnable, autrement dit les lobbies du mazout et du nucléaire. Il est aussi président d’auto suisse. D’ailleurs le commandeur Blocher, qu’on disait son ennemi de toujours, quand on l’interroge sur la candidature Rösti, n’y trouve plus rien à redire. Enfin quand «Le Temps» lui soumet cette équation «souple sur la forme, mais dur sur le fond», Rösti répond tranquillement: «Oui, je partage assez ce point de vue.»

C’est le 11 novembre que le parti annoncera le ticket officiel. On peut être déjà sûr d’une chose: à la fin, le 7 décembre, ce sera un méchant UDC, ou une méchante, qui l’emportera, dont la méchanceté aussitôt sera réduite à plus grand chose par le rouleau compresseur collégial.