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Courte vue, petits principes

Le référendum de l’UDC contre les mesures climatiques voulues par le parlement invente «une dictature verte» là où il n’y a qu’un processus démocratique.

Encore un référendum de l’UDC. Mais celui-là n’a rien d’un gadget grossièrement propagandiste, genre interdiction des minarets, tir à boulets rouges sur la politique d’asile ou énième prurit anti-européen. Il s’attaque à rien moins qu’à la stratégie énergétique voulue par le parlement pour les prochaines années.

Ce que combat l’UDC en effet avec son référendum, c’est le texte voté par les Chambres et issu de l’initiative dite pour les glaciers. Un contre-projet indirect intitulé «loi fédérale sur les objectifs de la protection du climat, l’innovation et le renforcement de la sécurité énergétique» qui vise le zéro carbone d’ici 2050 et prévoit, entre autres mesures, des soutiens au remplacement des chauffages polluants, l’assainissement énergétique des bâtiments, la facilitation et l’encouragement à la construction de grands parcs solaires alpins ainsi que l’obligation pour toute nouvelle grande construction de se doter de panneaux solaires.

Trop difficile, se lamente l’UDC, qui voit déjà un spectre peu ragoûtant hanter la Confédération: celui, glauque et vert, d’une «dictature écologiste». En matière de dictature, il est vrai, l’UDC, qui ne cesse de dire tout le mal qu’elle pense des sanctions internationales adoptées par la Suisse contre l’aimable Russie poutinienne, sait de quoi elle parle.

Trêve de persifflage: tout n’est pas sans logique dans la ligne de ce parti où, si l’on apprécie tant le rude camarade Poutine, c’est peut-être et surtout parce qu’on voit en lui le pourvoyeur bienfaisant de cette manne tant vénérée à laquelle, non seulement les militants agrariens, mais aussi vous et moi sommes sérieusement accros: les énergies fossiles.

C’est ce que reproche pour l’essentiel l’UDC à cette loi sur le climat: de conduire de facto à l’interdiction «du mazout, de l’essence, du diesel et du gaz», qui seule permettrait d’atteindre les objectifs climatiques fixés. Voilà en tout cas ce que soutient le conseiller national UDC valaisan et président du comité référendaire Michael Graber, décrivant un futur proche où le déplacement automobile et le chauffage ne pourraient plus se faire qu’avec l’électricité.

Il n’est certes pas faux d’affirmer que l’objectif de décarbonation va conduire à une forte augmentation de la consommation électrique, à l’heure où il y a pénurie et explosion concomitante des tarifs. Mais c’est invoquer une situation ponctuelle, immédiate, pour récuser une série d’actions prévues sur plusieurs décennies.

On peut à cet égard logiquement supposer que l’encouragement massif et les contraintes, elles aussi assez costaudes, prévues pour booster le solaire, vont sans doute réduire la pénurie d’électricité davantage que le statu quo défendu par l’UDC.

L’attrait de l’UDC, sur ce dossier comme sur bien d’autres, pour le court terme, qui a l’avantage de ne nécessiter qu’une courte vue, se retrouve dans les propos du conseiller national fribourgeois Pierre-André Page, assénant que la priorité aujourd’hui n’est plus la décarbonation mais la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

Aujourd’hui, oui, mais demain matin? On peut aussi s’interroger sur l’absolu de cette sécurité qui, pour être effective et totale, demanderait qu’on se roule aux pieds du bon monsieur Poutine. A la courte vue s’ajoutent les petits principes.

Il est un point dans ce débat, toutefois, où l’UDC n’a pas tout à fait tort: quand elle se gausse des promesses faites par le Conseil fédéral en 2017 pour inciter le peuple à plébisciter la sortie du nucléaire. À savoir que l’énergie produite par les centrales serait remplacée en six ans par les énergies renouvelables. Au mieux une colossale erreur d’analyse, au pire un mensonge délibéré.

Pas de quoi pourtant comme Marco Chiesa, le président de l’UDC, sortir la sulfateuse et arroser en rafales, jusqu’à l’absurde, la nouvelle loi sur le climat, parler de «poison pour notre économie, pour notre prospérité» et de «fléau pour tous les habitants de la Suisse». Encore un effort et on dira qu’elle propose aussi de manger les petits enfants.