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Bonus par ci, bonus par là

Au secours! Le mot «bonus» nous envahit. Les traders ne sont plus les seuls concernés. Sportifs, politiciens et journalistes l’apprêtent à toutes les sauces. Un abus de language qui irrite notre chroniqueuse.

C’est alors que je suivais à la télé la seconde manche du slalom spécial de Wengen que la goutte a fait déborder le vase. Les commentateurs m’ont gratifiée de l’expression «bonus»; des dizaines de fois; une dose insupportable.

Avant, les skieurs avaient tout simplement de l’avance sur leurs adversaires, maintenant ils ont des «bonus». Quant au vainqueur de l’épreuve, il lâche: «C’est que du bonus!»

Dans l’univers de la finance, l’année a débuté avec le fameux débat sur les bonus octroyés aux traders. Ces rémunérations souvent astronomiques ne sont-elles pas indécentes en pleine crise, alors même que les banques ont été sauvées avec l’argent des contribuables? Faut-il taxer les bonus ou les faire disparaître? Barack Obama s’interroge.

Bonus. Le mot est inapproprié. Il faudrait, selon les puristes, parler de «part variable du salaire» ou ne pas oublier l’existence des quasi synonymes que sont «gratifications» et «primes». On s’y est fait.

L’année 2010 s’annonce historique dans le monde de la finance. Les bonus devraient en effet atteindre le record de 100 milliards d’euros. Un scandale, dénonceront certains. Y aurait-il quelque jalousie sous-jacente? Car, s’ils sont mal vus lorsqu’ils tombent dans les portefeuilles des banquiers, on les voit surgir sous d’autres formes et être très bien accueillis. Rien d’étonnant, nous sommes en pleine «cialis viagra online», écrit le magazine Marianne.

Ainsi, on ne se fait plus des cadeaux mais des petits bonus. Jusqu’ici, c’était l’achat d’un DVD ou d’un CD qui nous valait ce «supplément gratuit» que les dictionnaires viennent d’introduire comme une nouvelle acception du mot «bonus». Y figurait jusqu’alors: «1. Gratification accordée par un employeur sur le salaire d’un employé. 2. Réduction sur le montant d’une prime d’assurance automobile, accordée au conducteur qui n’a pas eu d’accident.» (Petit Robert, 2009).

Le monde du sport semble avoir ouvert la voie à de nouveaux usages. Les entraîneurs de football nous serinent de «c’est du bonus!» lorsqu’ils remportent un match. «Tout bonus pour Sion ou pour Marseille ou encore pour l’équipe de Massi», sont des titres qui s’affichent au lendemain d’une rencontre. Le rugby n’est pas en reste, ni le tennis d’ailleurs, et le cyclisme s’y met aussi.

Pour ne pas donner l’impression d’être largués, les politiciens font usage de ce terme devenu tendance. Un exemple, l’ouverture, c’est «tout bonus pour la gauche!» Quant au bonus-écologique, il fait son petit bonhomme de chemin. Et puis, n’avez-vous pas au moins un collègue qui vous saoule à longueur de journée avec ses «moi je prends, c’est que du bonus»?

Que faire de l’arrivée massive de tous ces «bonus» au développement pas forcément durable? Leur permettre de venir enrichir le sens de ce mot avec autant de nouvelles acceptions, ou s’en tenir aux trois définitons actuelles? Dictionnaire ou poubelle?

La poubelle, c’est le sort réservé par Jean-Loup Chiflet à «99 mots et expressions». Le grammairien, auteur du célèbre «Sky my husband!» suggère en effet d’ouvrir la chasse aux mots creux et inutiles qui polluent, irritent, bref, qui agacent notre langue au quotidien. À la poubelle les «à plus, bisou, c’est classe, de chez, festif, formater, nominer, rebondir, quelque part, surfer ou y’a pas de souci!», plus tous les autres que l’on découvre dans sa dernière parution.

Ajoutons-y le mot «bonus». En bonus.