TECHNOPHILE

«Comment j’ai créé une application mondialement connue à seulement 21 ans»

À 21 ans, sans expérience professionnelle, Alexis Steinmann s’est lancé dans l’aventure entrepreneuriale en développant l’application de musique Tomplay avec son père Thomas. Il emploie aujourd’hui 40 personnes et compte plus d’un million d’utilisateurs à travers 157 pays.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME.

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«Pianiste amateur depuis de nombreuses années, c’est en discutant avec mon père Thomas, également musicien à ses heures, que l’idée de développer un produit qui allie les nouvelles technologies, l’éducation et la musique, s’est peu à peu cristallisée. À 21 ans, je ne savais pas précisément comment orienter ma carrière après mon bachelor en business, mais je souhaitais m’impliquer dans un projet qui ait un impact direct et positif sur les gens. À l’époque, les tablettes commençaient à conquérir le marché et avec elles, les partitions numériques. Or, aucune n’intégrait encore le son. Face à ce constat, nous avons mis au point en 2014, avec le soutien de la Haute École de Musique de Lausanne, une technologie inédite, qui permet d’insérer des pistes audio à une partition, ce qui aide notamment à l’apprentissage. Avec ce système, un musicien – apprenti soliste – peut ainsi être accompagné par un vrai orchestre enregistré.

Le plus grand défi a toutefois été de produire véritablement du contenu – c’est-à-dire d’enregistrer les premiers morceaux – afin de constituer un catalogue de partitions. Nous étions convaincus de la pertinence de notre projet mais cette phase d’investissement, où nous n’avions aucuns abonnés, a généré quelques doutes! Aujourd’hui, nous comptons plus d’un million d’utilisateurs à travers 157 pays. Nous sortons entre 200 et 500 morceaux par semaine pour près de 28 instruments depuis nos sept studios d’enregistrement.

Comme beaucoup, j’avais une perception un peu idéalisée de l’entrepreneuriat avant de me lancer, mais les premières années ont parfois été rudes. La difficulté venait notamment du fait que je m’occupais autant de la partie marketing que du développement technologique ou du suivi de la production musicale. Comme je n’avais presque aucune expérience professionnelle, j’ai tout appris au fur et à mesure, du recrutement des employés à la mise en place d’une stratégie globale. Le secret a été de s’adapter en permanence.

Nous nous sommes dans un premier temps concentrés sur le marché B2C, c’est-à-dire sur les musiciens amateurs. Nous avons rapidement augmenté le nombre d’abonnés par mois sur ce segment, notamment grâce au développement d’un modèle de recherche performant sur Google, des campagnes publicitaires et d’influence marketing ainsi qu’à travers les partenariats mis en place avec les leaders de l’industrie comme Sony, Universal Music, Deutsche Grammophon ou Yahama.

Nous avons ensuite pu compter parmi nos clients des conservatoires comme celui de Lausanne, de Neuchâtel ou de Valenciennes ainsi que des écoles privées comme Le Rosey ou le Dickinson College aux États-Unis et nos ventes B2B se sont développées petit à petit. Je pense que le fait de ne pas miser uniquement sur les fonctionnalités technologiques d’apprentissage – qui tendent à se généraliser et à pouvoir être répliquées par d’autres plateformes – mais aussi sur un catalogue de grande qualité, nous a permis de nous différencier véritablement.

La musique reste une priorité absolue. Tous les morceaux sont enregistrés avec de vrais musiciens et des éditeurs de partition réalisent également un travail d’arrangement indispensable afin d’adapter les pièces aux différents niveaux d’apprentissage. Par ailleurs, nos 40 collaborateurs, du développeur au service client, jouent ou ont joué d’un instrument. Ce critère me semble essentiel afin de bien comprendre le produit et de répondre aux exigences des passionnés qui nous font confiance. Moi-même, j’utilise régulièrement l’application afin de tester de nouveaux morceaux.

Pour le choix des pièces, nous nous basons à la fois sur les demandes des abonnés et sur les analyses des tendances, grâce à une stratégie locale qui fonctionne par marché. Nous allons par exemple commencer à proposer de la K-pop pour le site coréen. La variété des styles que nous offrons, couplée aux fonctionnalités technologiques qui permettent par exemple de jouer un concerto pour piano de Beethoven en étant accompagné d’un vrai orchestre tout en restant chez soi, constitue, à mon avis, la véritable force de l’application et une source de motivation incroyable pour les musiciens. Cela correspond d’ailleurs aux retours que nous recevons des passionnés qui utilisent Tomplay. Pour moi, c’est l’une des plus belles récompenses.»