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Batailles pour un loup dans les montagnes

Des écologistes qui veulent protéger mordicus un animal guère menacé, des politiciens qui décrètent, de droit divin, qu’il n’y a pas de place pour le loup dans les Alpes: au secours, le retour de la bête déchaîne des réactions primitives, voire primaires!

Ainsi donc le loup est entré dans la bergerie. A moins que ce ne soit l’innocent agneau qu’on ait vu se fourvoyer dans la tanière des grands prédateurs. Toujours est-t-il que, mardi, Christoph Blocher était à Bruxelles. Au cœur donc de cette Europe honnie, pour discuter le bout de gras Schengen avec ses collègues des Etats membres. C’était la première fois et il n’en est pas revenu: il a dit sa surprise de constater un vrai climat d’ouverture dans les négociations et la possibilité pour chaque état de faire valoir ses intérêts.

Notons que dans le même temps, à Berne, lors de l’ouverture de la session d’hiver, l’UDC sommait le Conseil fédéral de réagir à «l’intolérable pression» de cette même Union européenne qui entend remettre en cause la concurrence fiscale entre les cantons, ingénieux système permettant d’attirer dans le paradis confédéral de nombreux contribuables européens et pas parmi les plus démunis.

Il y a pourtant, au chapitre des intolérable pressions venues d’ailleurs, un sujet bien plus grave, ou qui du moins passionne autrement le bon peuple, au point que tout un chacun possède un avis tranché, violent, émotionnel sur la question, même si c’est pour dire , avec la plus ferme conviction, la plus autoritaire intransigeance et des trémolos de colère dans la voix, que cette question-là n’a strictement aucune importance, ne mérite pas le plus petit examen et qu’en débattre si abondamment est la preuve définitive du déclin inéluctable de notre civilisation. On veut parler, évidemment, du loup, qui a cet automne, encore une fois, marqué puissamment son territoire médiatique, grâce aux deux individus abattus en Valais.

Or donc la Suisse a demandé une modification de la convention dite paradoxalement de Berne, puisque la Confédération est dépositaire du texte, et qu’ont signées, depuis 20 ans, 45 états. Une convention qui concerne, comme on sait, la protection des espèces menacées. Parmi lesquels évidemment messire Loup. La Suisse, à l’époque, l’avait signée les yeux fermées: facile, pas l’ombre alors sur l’Alpe du moindre grand méchant loup.

Mais depuis la fameuse traque de la bête d’Entremont en 1995, menée sous les flashs des photographes et les caméras des télévisions d’ici et d’ailleurs par le vaillant chef du service valaisan de la chasse, l’aujourd’hui retraité Narcisse Seppey, les sales bêtes reviennent. Au compte goutte certes, comme pour narguer la population montagnarde, un par un, à la queue leu leu. On en tue un, en voici un autre qui pointe son museau sanguinolent déjà des futurs carnages.

La première réplique du prédateur humain est venue non pas du Valais, mais des Grisons avec une motion en 2001 du conseiller aux Etats démocrate-chrétien Theo Maissen, demandant que la protection du loup soit abrogée. Attaque conclue donc par cette demande adressée au comité directeur de la convention de Berne. Qui vient de dire niet: pas de chasse au loup généralisée.

Le nouveau chef du service fédéral de la chasse, Reinhardt Schnidrig, bien valaisan lui, avait pourtant expliqué que si, effectivement, on pouvait aujourd’hui gérer les quelque loups s’aventurant dans nos frontières, puisque la Convention autorise l’abattage d’un animal ayant atteint un certain cota de déprédations, il fallait pourtant anticiper sur un retour plus massif du canidé.

Cette demande de retirer son statut d’animal protégé semble constituer, de la part des adversaires du loup, une sorte d’aveu. Jusqu’ici les chasseurs, les moutonniers, les politiciens montagnards expliquaient qu’il n’y avait pas de retour du loup, que la présence de quelques individus isolés était une anomalie à éradiquer, et que ces loups-là avaient peut-être été artificiellement réintroduits par des écolos fanatiques. On se retrouve donc avec deux camps enfermés dans leurs contradictions: des organisations comme le WWF qui soutiennent mordicus, à n’importe quelles conditions, une protection totale d’un animal dont l’existence n’est pas franchement menacée au niveau mondial, et des responsables politiques qui décrètent, investis d’on ne sait trop quel pouvoir divin sur la création, qu’il n y’a pas de place pour le loup dans les Alpes. Mais qu’il y aurait une, par contre, pour une activité économique qui a pourtant fait la preuve de son déclin: l’élevage des moutons laissés seuls en liberté dans les montagnes, parce que ce pastoralisme là n’est plus rentable que sans pasteur.

Avec, en bruit de fond, des batailles de mots proprement surréalistes. Outre la vieille le dogme ressassé de la supériorité et donc du droit de vie et de mort du carnivore humain sur les autres espèces, outre le devoir et la fierté revendiquée pour l’homme d’être un loup pour le loup, on assiste à un féroce affrontement de sensibleries exclusives. Ici c’est la directrice de MIS Trend Marie-Hélène Miauton qui décrit la souffrance de l’agneau croqué, «le supplice de morsures répétées», s’épouvante «du déchiquetage de ses chairs et de l’égorgement ultime alors que la Convention européenne sur la protection des animaux d’abattage stipule qu’il soit «plongé dans un état d’inconscience maintenu jusqu’à l’intervention de la mort».

Là, c’est une lectrice de 24 Heures, souhaitant, au contraire, voir le canton de Vaud assurer une ferme protection du loup: « s’il arrive, qu’il soit le bienvenu. Donnons à ce magnifique animal sa chance de vivre mieux qu’en Valais».

Alors que dire, que faire? Peut-être comme le biologiste — valaisan — Raphaël Arlettaz, professeur à l’institut zoologique de l’Université de Berne, renvoyer tout le monde — écologistes et conseillers d’Etat valaisans, loups et moutons — dos à dos. En rappelant que l’abattage du loup, tel qu’il est perpétré aujourd’hui en Valais, selon le principe prévu par la Convention de Berne et le concept fédéral dit «concept loup» (condamnation du prédateur après tant de moutons égorgés) aboutit, en éliminant les individus les plus agressifs et en ne laissant survivre que les rusés et les prudents, aux effets contraires à ceux espérés: favoriser l’implantation massive de l’animal sur nos jolis monts.