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Des millions pour les gangsters qui tiennent l’ex-UR$$

En Ukraine, Gérard Delaloye a vu une population désillusionnée par un capitalisme sauvage. L’emprise des mafieux est telle que les gens ont perdu tout espoir.

Dans un mois, le monde entier célébrera la chute du mur de Berlin avec l’éclat que depuis quelques années, faute de projets d’avenir, on porte aux commémorations historiques. Je ne prends pas grand risque à parier que l’essentiel des discours débités en tirades pathétiques portera sur les merveilleuses libertés retrouvées par des peuples trop longtemps soumis au joug soviétique. La chose est indiscutable. J’aime trop l’Europe centrorientale pour en douter.

Mais à y regarder de plus près, elle mérite d’être nuancée. Si les Etats que l’on appelait autrefois satellites réussissent vaille que vaille à faire face aux aléas de l’économie dite de transition, il en va différemment des Etats nouvellement créés par la désintégration de l’Union soviétique. Là, personne ne parle d’économie de transition mais bien de capitalisme sauvage. Le mot sauvage étant à prendre au sens propre. La seule liberté qui y a cours est celle du loup dans la bergerie, du renard dans le poulailler.

Là-bas, renards et loups répondent à un nom générique: mafia. L’emprise de ces mafieux est telle que les gens ont perdu tout espoir. Soumis au communisme, ils pouvaient rêver de capitalisme. Mais aujourd’hui que les anciens dirigeants communistes (avec une très forte proportion d’ex-KGB) promènent en BMW ou en Mercedes aux vitres teintées leur dégaine de nouveaux riches tout puissants, à quoi rêver?

Je rentre d’un voyage en Ukraine, pays bien connu de la police suisse en raison de l’un de ses anciens premiers ministres qui s’est fait pincer pour importation trop abondante de capitaux d’origine douteuse. L’Ukraine est en campagne électorale, mais le débat s’y déroule à coups de grenades: samedi à Dniepropetrovsk, une concurrente sérieuse du président sortant a été blessée par un engin lancé en sa direction. On peut comprendre: les enjeux financiers sont colossaux et la poussée vers l’Ouest a été telle et si rapide que les dirigeants se croient au Far West. D’ailleurs l’ex-premier ministre victime de la police suisse s’est payé cash à Los Angeles la villa d’Eddie Murphy.

Dans le même ordre d’idées, on pourrait parler du gangstérisme politique en Biélorussie où le fameux projet de retour dans le giron russe prend forme: dirigeants russes et biélorusses viennent de signer un traité d’unification que leurs parlements respectifs devraient ratifier dans les semaines qui viennent. Unification des mafias? Que nenni! Simple répartition du gâteau. On pourrait parler aussi de la guerre en Tchétchénie et des enjeux politico-mafieux qui sont à l’origine de cette nouvelle agression russe.

La seule question qui vaille d’être posée nous concerne directement. Par nous, j’entends les démocraties occidentales et leurs centres financiers. Comment se fait-il que malgré ce gangstérisme politique connu, documenté (voir à ce propos les enquêtes de Giuletto Chiesa dans La Stampa des 5 et 6 octobre) poursuivi par les appareils judiciaires occidentaux, les dollars continuent à arriver par dizaines de millions dans des pays soumis ni à la loi ni au droit, mais à la violence pure?

Au moment où la philosophie politique fait d’incontestables progrès sur le plan judiciaire en justifiant le droit d’ingérence humanitaire, il y a dans ce comportement des gouvernements et des banques occidentales une contradiction que ni le libéralisme ni la mondialisation ne peuvent justifier. Sauf erreur (je ne suis pas grand juriste), elle a un nom: cela s’appelle complicité de recel. Carla Del Ponte aura-t-elle le courage de s’y attaquer?