LATITUDES

Les bruits de la sève

L’écoacousticien Marcus Maeder enregistre pour ses projets les sons des organismes vivants. Il raconte ici son rapport à l’environnement.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans le magazine L’Environnement. Abonnez vous gratuitementcialis mg sizes

_______

Durant ma formation en art à la Haute École de Lucerne, je composais également de la musique électronique et m’inté­ressais déjà beaucoup à l’art sonore. Avant que cela ne devienne une démarche professionnelle, j’ai d’abord commencé par enregistrer l’environnement qui m’entourait. De là sont nées mes premières explora­tions des sons de la nature. Je crois qu’une envie de comprendre exacte­ment ce que j’entends m’anime depuis toujours.

Les questions liées à l’environnement ont ainsi pris de l’importance lors de mes études de philosophie, jusqu’à m’amener à effectuer un doctorat en sciences environnementales à l’EPFZ. Mais le lien entre la recherche et l’art demeure. J’ai mené avec des chercheurs et des programmeurs un projet qui consistait non seulement à enregistrer les émissions acoustiques d’un arbre, mais aussi à traduire en sons les données recueillies, telles que le taux de flux de sève. Retrans­crites sous cette forme, ces mesures nous ont ensuite servi pour étudier les liens entre les bruits des plantes et les conditions environnementales.

Mon métier d’écoacousticien a transformé mon rapport à la nature. Écouter les bruits qu’émettent par exemple des organismes vivant dans le sol m’a fait réaliser la richesse et la sensibilité des écosystèmes. Je me souviens aussi de l’intensité que j’ai ressentie face à la grandeur et à la complexité de la forêt amazonienne. Ces moments me font véritablement prendre conscience que nous faisons partie d’un tout plus grand. Observer les bouleversements climatiques au travers d’épisodes de sécheresse, en écoutant le bruit caractéristique des plantes assoiffées, représente aussi des instants très marquants.

Au fil des ans, ma vision du monde est devenue holistique. Je suis en effet toujours étonné de voir à quel point tout est lié. Bien que ces interactions se révèlent sous diverses formes, elles participent toutes à garantir un équilibre fragile. Pour moi, il s’agit là de l’un des plus grands enseignements de la nature.

_______

Marcus Maeder

Né en 1971 à Zurich, Marcus Maeder travaille depuis 2005 comme curateur et chercheur à l’Institut de musique assistée par ordinateur et de technologie du son (ICST) de la Haute école des arts de Zurich (ZHdK). Après des études de beaux-arts et de philosophie, il poursuit actuellement un doctorat en sciences environ­nementales à l’EPFZ. Spécialisé dans l’écologie acoustique, il mène des recherches écoacous­tiques et artistiques sur des zones et des organismes notamment influencés par les changements climatiques. Son installation « treelab », créée avec l’écophysiologue Roman Zweifel, a été présentée à la conférence sur le climat de Paris en 2015, sur invitation du président français François Hollande.