Même au pays du «tout va bien», il est possible de trouver des sources d’inquiétude. Sans avoir besoin de les inventer.
Et si l’on vivait sur un volcan? Un volcan tout à fait suisse? Toutes les apparences disent le contraire, au pays de la neutralité paisible, du compromis comme seul mode de fonctionnement, de la démocratie directe comme cause sacrée et de la prospérité comme évidence.
C’est pourtant bien dans ce pays-là qu’un ancien procureur, conseiller d’Etat puis parlementaire fédéral, Dick Marty, vit depuis deux ans 24h/24 sous protection policière. La raison? La rédaction d’un rapport au Conseil de l’Europe sur les crimes de guerre présumés de l’ UÇK (Armée de libération du Kosovo) qui a conduit indirectement à l’arrestation de l’ancien président kosovar Hashim Thaçi.
Comme rien n’est simple dans les sphères balkaniques, Dick Marty vit sous une double menace. Celle kosovare bien sûr, mais aussi celle venue de Serbie, où un groupe de nationalistes aurait fomenté un projet d’assassinat contre l’ancien procureur pensant qu’en l’attribuant à la partie kosovare, cela ferait accélérer la condamnation de Thaçi.
Notons que dans un livre qui raconte cette histoire – «Sous haute protection» (éditions Favre) – Dick Marty attribue à la politique suisse ce penchant fâcheux, qui expliquerait une partie de ses mésaventures: ne rien refuser à personne. Meilleur moyen sans doute de collectionner, in fine, les ennemis.
C’est aussi dans ce pays si serein qu’Addiction suisse relève une augmentation de 30% de la consommation de tranquillisants et d’anxiolytiques chez les 16-24 ans. «Chez certains jeunes, l’angoisse atteint de tels niveaux qu’ils ne parviennent plus à aller à l’école», s’alarme dans «Le Temps», un responsable de l’association.
C’est également dans ce pays si propre et transparent, comme le relève le Contrôle fédéral des finances (CDF), que les flux monétaires alloués, via diverses taxes, à la collection et au recyclage des déchets coulent dans un environnement à peu près aussi limpide que des fumées de gadoue. Les organisations de gestion des déchets (OGD) semblant en effet accumuler outre mesure des réserves. Et ce sans qu’il ne soit non plus bien établi que tout se retrouve effectivement recyclé dans les normes. On n’est pas encore à Naples, mais le Vésuve se rapproche.
C’est encore dans ce pays prétendument si laborieux et attaché jusqu’au fanatisme à la valeur du travail, qu’une initiative populaire lancée par les jeunes milieux libéraux (PLR et UDC) a lamentablement échoué à recueillir les 100 000 signatures nécessaires.
Or que réclamait «Oui à des rentes pérennes et équitables»? Entre autres joyeusetés, «l’adaptation de l’âge de la retraite à l’espérance de vie». En clair l’allongement de l’âge en question. Travailler plus longtemps? Il faudra repasser. Et tant pis si c’est pour se retrouver, comme n’importe quels ressortissants d’Etats plus ou moins voisins, avec une toute nouvelle réputation de feignasses.
C’est enfin dans ce pays de peu de catastrophes qu’un canton, le Valais, particulièrement soumis au risque sismique se prépare au big one, avec des normes de construction adaptées et la création d’un simulateur de tremblement de terre. La situation actuelle en Turquie et en Syrie y est observée de près. Comme l’avait été celle à Amatrice en Italie, où un séisme avait fait 300 morts en 2016. Le canton avait alors envoyé une délégation cantonale.
Pour l’heure, ce même canton se voit refuser, par le Conseil fédéral, l’ouverture d’un deuxième casino après celui de Crans-Montana. On reste quand même en Suisse: pas question de danser, ni de flamber, sur le volcan.