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«Eingleði» et les autres mots de février

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «Eingleði» «inessentiel» et «déchiffrer».

Eingleði

Si l’on vous demande quand vous comptez vous caser, l’Urban Dictionnary recommande de répondre: «Non merci, je suis dans ma période Eingleði». Ce mot-concept islandais, se prononce «aingluhday» et signifie «la joie d’être célibataire». Il se veut un antidote aux injonctions à se mettre en couple et à la honte de ne pas l’être, malaise qui touche tout particulièrement les femmes («single shaming»).

Épouser l’«Eingleði» permettrait de concilier santé mentale, rapport à l’autre et à soi. Ce phénomène venu d’Islande incite à profiter de sa tranquillité et de sa liberté en explorant toutes les possibilités que ce mode de vie a à offrir. Ce pays a toujours souhaité mettre en avant l’image d’une «solitude satisfaite». L’«Eingleði» repose-t-il sur une véritable vision optimiste du célibat ou faut-il y voir une consolation à la difficulté de trouver l’âme sœur sur cette terre de volcans?

Inessentiel

Inessentiel, superflu, autonomie, suffisance, émancipation, autolimitation, revenu d’existence, collectif, humain, vivant, écologie politique: ce sont là les maîtres-mots d’André Gorz, un penseur visionnaire, écologiste avant l’heure, né il y a un siècle le 9 février 1923. Il prêcha à l’époque dans le désert alors qu’aujourd’hui son lexique est à mettre dans la boîte à outils permettant de relever les défis contemporains. La lecture de sa biographie nous en convainc. «André Gorz offre une boussole précieuse à tous ceux qui croient qu’un autre monde reste possible», estime Willy Gianinazzi, auteur de «André Gorz, une vie» (édition La Découverte).

Un autre monde qui ferait sens après s’être préservé de l’inessentiel. Mais, qu’est-ce que l’inessentiel? André Gorz soumet la question à notre discernement.

Déchiffrer

Pourquoi devrait-on débattre de tout, sauf des chiffres? Y-a-t-il une vérité des chiffres? Constituent-ils des arguments de preuve? Faut-il se placer sous leur autorité et toujours les prendre au sérieux?

Alors que les chiffres ont envahis nos sociétés, interroger leur apparence de données neutres et objectives est un exercice indispensable. Le sociologue et statisticien suisse Olivier Martin s’y lance dans «Chiffre», (éditions Anamosa), un ouvrage court et incisif.

Si les chiffres sont des leviers pour exercer le pouvoir, ils peuvent aussi être des instruments pour le mettre en cause et s’en émanciper. Le «statactivisme» – néologisme désignant toutes les pratiques statistiques qui sont utilisées pour critiquer et s’émanciper d’une autorité – l’a bien compris. Il faut se saisir d’eux pour ce qu’ils sont, «des outils politiques à déchiffrer», insiste le sociologue. Que compte-on? Pour quoi faire? Pour quel pouvoir? Que ne compte-t-on pas? Qui définit ce qui compte et ce qui ne compte pas? Il faut déchiffrer les chiffres, en ne se laissant pas intimider par l’autorité que leur confère leur apparente naturalité ou les pouvoirs qui les promeuvent.

Pas besoin d’être fort en math pour s’adonner à cette tâche!