CULTURE

Sauve qui peut (la vie de David Gale)

Avec son dernier film, Alan Parker plaide pour l’abolition de la peine de mort. Mais son scénario, certes haletant, est si abracadabrant qu’il finit par desservir la cause qu’il défend.

En trente ans de carrière, avec un bonheur inégal, le réalisateur britannique Alan Parker a touché à beaucoup de genres cinématographiques. Convaincant dans le registre musical et adolescent (de «Fame» à «The Commitments» en passant par «Birdy» et même «Evita» pour ceux ne détestent pas le kitsch hollywoodien), il a toujours pêché par excès de démonstration dans ses films politiques («Midnight Express» ou «Mississipi Burning»).

Venu du cinéma publicitaire, Parker ne s’embarasse pas de subtilités: ses dénonciations sont manichéennes, son argumentaire le plus souvent binaire et ses positions politiques d’un humanisme tellement consensuel qu’elles ne souffrent aucune contradiction. Donc, rendons grâce à Alan Parker d’être plus sophistiqué que d’habitude avec «La Vie de David Gale», playdoyer surprenant contre la peine de mort écrit par le professeur de philosophie devenu scénariste cialis buy online.

«Cette fiction originale possédait une dimension politique à laquelle j’étais sensible, mais c’était aussi un formidable thriller», dit Alan Parker dans sa note d’intention. Il est vrai qu’il est difficile de trouver un scénario qui comprend autant de coups de théâtre, de fausses pistes, de manipulations du spectateur, de rebondissements et de Deus ex machina.

David Gale (Kevin Spacey), brillant universitaire texan, enseignant la psychanalyse lacanienne (le comble du chic pour un film américain), est d’abord accusé d’avoir violé une de ses étudiantes avant d’être jugé coupable du meurtre de Constance (Laura Kinney, surprenante), une de ses amies qui, comme lui, militait avec ferveur pour l’abolition de la peine de mort.

Comment cet intellectuel a-t-il pu devenir un assassin? Et d’abord l’est-il vraiment? A quatre jours de son exécution, Gale convoque une journaliste d’investigation, Elisabeth Bloom (Kate Winslet), pour lui raconter son histoire et lui prouver son innocence. Méfiante dans un premier temps, l’aspirante au prix Pullitzer finit par le croire à quelques minutes seulement de l’heure fatale de son injection.

Arrivera-t-elle à temps pour révéler ce qu’elle vient de découvrir? Pour ne pas déflorer l’issue d’un scénario haletant, mais invraisemblable ,qui mêle flash-back et face-à-face dans le parloir, on n’en dira pas davantage. Tout y est du film à suspense: course contre la montre, poursuites de voitures, éléments de l’enquête qui se dévoilent in extremis, tentative de meurtre, intimidation, effets de surprises et dénouement spectaculaire révélant une formidable machination dans laquelle a été prise la journaliste, et nous avec elle.

Tout à son plaisir de réaliser un thriller qui agrée à Hollywood, Alan Parker en oublie en chemin la raison pour laquelle il a voulu faire son film: dénoncer l’inutilité et la cruauté de la peine de mort. Pire, par ses effets dramatiques gratuits et sa rhétorique racoleuse, notamment l’usage de vrais/faux snuff movies qu’il nous donne à voir avec délectation, le film piétine la thèse qu’il entend défendre.

Le cinéaste a beau jeu d’accabler le voyeurisme des médias et l’outrance des adeptes de la peine de mort quand l’essentiel de son playdoyer repose sur quelques retournements morbides et un scénario tordu, voire malhonnête, qui n’a rien à envier aux méthodes de ceux qu’il épingle. Mais le plus désagréable dans l’affaire, c’est le sentiment de malaise qui nous accompagne en sortant du film: tout ce cirque pour ça?

Ce malaise tient un peu au jeu stéréotypé des acteurs — Kevin Spacey préposé aux rôles d’intellectuel manipulateur et Kate Winslet aussi expressive qu’une animatrice TV –, mais surtout à cette exaltation d’une nouvelle martyrologie, les abolinionnistes kamikazes, qui par leur comportement extrême, leur fanatisme, dénonce finalement davantage l’exception (il y a quelques innocents parmi les coupables) plutôt que la règle (la peine de mort est un crime institutionnalisé).

Quand Robert Badinter, en 1981, contre l’avis des sondages, décida d’abolir la peine de mort en France, c’était au nom du principe inaliénable de «Tu ne tueras point.» Sa démarche était laïque, raisonnée.

Alan Parker n’a pas tort de réaffirmer dans chacune de ses interviews qu’il est un farouche adversaire de la peine de mort; son film dirait presque le contraire.