GLOCAL

Le nucléaire à l’eau tiède

Le Parti radical entend renouer avec l’atome, mais à pas si comptés qu’autant déjà préparer les bougies.

Tiens, revoilà le nucléaire. Oh, sur la pointe des pieds. Par la grâce d’un Parti radical plutôt flottant en ces matières, lui qui avait en 2019, sous l’ancienne présidence de Petra Gössi, voulu effectuer un entortillé «virage vert», aussitôt sanctionné dans les urnes tant l’électeur répugne à plébisciter les contre-emplois.

Mais, par la faute encore d’un peuple qui n’en fait qu’à sa tête, un jour votant pour la sortie du nucléaire et le lendemain contre la loi CO2 -c’est à dire contre un coup de pouce aux énergies renouvelables-, nous voilà devant cette aporie à gueule de pénurie: bientôt plus de nucléaire et pas encore assez de panneaux solaires et d’éoliennes. Avec aussi, pour ne rien arranger, une pénalisante absence d’accord avec l’UE sur l’électricité. Préparez les bougies.

De quoi donc pousser le Parti radical à rejoindre dans sa nostalgie du nucléaire -énergie réputée stable et décarbonnée-, le seul parti resté franchement atomique: l’UDC. Mais, on l’a dit, ce volte-face s’effectue sur la pointe des pieds. Parler d’une prudence de sioux serait médire de ces vigoureux peuples autochtones.

Une prudence donc, à l’image du président du PLR zurichois, Hans-Jakob Boesch, qui semble vouloir inventer le nucléaire fonctionnant à l’eau tiède: «L’idée n’est pas de construire de nouvelles centrales, mais de créer les conditions-cadres au cas où nous en aurions besoin.» Même enthousiasme délirant chez son homologue de la section neuchâteloise, Fabio Bongiovanni: «Personnellement, bien qu’un peu partagé, je ne ferme pas la porte au nucléaire.» Copié-collé chez le vaudois Marc-Olivier Buffat: «Je ne suis pas un franc partisan, mais reste ouvert à l’énergie de l’atome.»

Sans parler du conseiller national PLR Jacques Bourgeois, très dubitatif face à ce retour de flammes pour le nucléaire, que le parti devra avaliser ou désavouer lors d’une assemblée des délégués le 12 février prochain. «Restons ouverts vis-à-vis des nouvelles technologies, dit-il. Mais veillons en même temps à accélérer le développement du renouvelable.»

Comme si les pontes radicaux, effrayés de leur propre audace, craignaient quelques retombées électoralement radioactives. L’industrie nucléaire, à force de fantasmes partisans et d’idées fixes militantes, s’est vue peu à peu rhabillée en épouvantable croquemitaine. La bête du Gévaudan faisait moins peur.

C’est d’ailleurs sur ce créneau que la gauche rétorque à cette tentative timide de re-nucléarisation. Le chef de groupe PS aux chambres fédérales, Roger Nordmann, brandit ainsi les risques d’accident, genre «la fusion du cœur», qui fait toujours bien frissonner dans les chaumières. Il y ajoute l’absence de solutions pour le traitement des déchets. Et pour faire bonne mesure, le prix de l’électricité nucléaire qui resterait plus élevé que celui du renouvelable. C’est un lobbyiste du solaire qui vous le dit, croix de bois, croix de fer.

Et puis, si sortir du nucléaire est compliqué et onéreux, y revenir semble l’être tout autant. Surtout, cela demande du temps, avec de nouvelles technologies qui ne sont pas encore au point.

Il aurait été évidemment plus avisé pour le Parti radical de ne pas rejoindre en 2017 les Socialistes, le Centre et les Verts dans le soutien apporté à la «Stratégie 2050», qui a consacré la fin de l’atome. Pas besoin d’avoir inventé la lampe à pétrole pour comprendre que la technologie nucléaire supporte assez mal les allers et retours.

Bref, les clins d’œil appuyés du Parti radical au nucléaire ressemblent un peu à ces incantations pour la galerie, qu’on pousse dans l’espoir de ressusciter une poule aux œufs d’or qu’on a soi-même bien contribué à faire égorger.