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L’équilibre européen se jouera entre Berlin et Vienne

Cet automne, les électeurs allemands et autrichiens vont faire des choix décisifs pour l’avenir du continent. Aperçu de l’enjeu.

A l’arraché! C’est à l’arraché que Gerhard Schröder se profile pour remporter les élections législatives allemandes.

Mardi, pour la première fois depuis le début de la campagne électorale, les socialistes dépassaient les chrétiens-démocrates dans un sondage. 39% pour les partisans de Schröder contre 38% à ceux de Stoiber.

Si l’on prend en compte le fait que la personnalité politique la plus populaire d’Allemagne demeure – et de loin! – Joschka Fischer, que la faveur de l’électeur pour le poste de chancelier se porte vers Schröder à deux contre un, il faudrait vraiment qu’un scandale majeur éclate dans les jours qui viennent pour que la gauche perde la mise.

Reste bien sûr l’inconnue du déclenchement de la guerre contre l’Irak dont on ne peut prévoir l’incidence sur le scrutin, mais il semble peu probable que Bush puisse agir avant le 22 septembre. Encore que…

La pression internationale pèsera beaucoup plus sur le scrutin autrichien qui se déroulera fin novembre ou début décembre. L’enjeu, à Vienne, est des plus limpides: il s’agira de voir si Haider et son Parti de la liberté, en perte de vitesse depuis des mois, sont capables de se maintenir au-dessus des 20%. Lors des dernières élections, ils ont obtenu 27%.

Pour le moment, les fronts gauche-droite sont aussi serrés en Autriche qu’en Allemagne: la gauche (socialistes 37%, Verts 12%) est à 49%, comme la droite (chrétiens-démocrates 29, FPÖ 20%).

Sans analyser toutes les retombées possibles de ces scrutins, il est d’ores et déjà évident qu’ils prennent une importance cruciale sur le plan européen. Une victoire de Schröder marquerait un coup d’arrêt dans la progression de la droite qui vient en six ans de conquérir trois grands pays, l’Espagne, l’Italie et la France.

Sans parler de la Grande-Bretagne où Tony Blair, élu et réélu au centre du centre, batifole de plus en plus à droite. Que cela soit comme guignol en jouant le rôle de témoin au mariage de la fille d’Aznar samedi dernier (un mariage de parvenu dont le clinquant ferait pâlir un pétrolier texan). Ou que cela soit comme parangon des va-t’en-guerre en se montrant plus extrémiste que Bush sur la question irakienne.

Dans ce contexte, l’arrivée au pouvoir de Stoiber à Berlin serait catastrophique pour l’équilibre continental. Cet homme est à peu près aussi ouvert aux affaires du monde que ne le sont, pour prendre un exemple proche, des conservateurs valaisans de la trempe d’un Jean-René Fournier.

Par contre, le développement d’un nouvel axe franco-allemand autour de personnalités comme Jacques Chirac et Gerhard Schröder serait susceptible d’éviter des dérapages ultra libéraux porteurs de calamités économiques et financières pires encore que celles qui nous sont tombées dessus au cour de ces derniers mois.

L’enjeu autrichien est lui aussi fondamental. Jörg Haider joue son va-tout. Il mènera une campagne dure, axée sur le nationalisme et la xénophobie, sur le refus de l’élargissement à l’est, sur la baisse démagogique de l’impôt et des dépenses sociales.

L’ambitieux Wolfgang Schüssel sait que seule une alliance avec le FPÖ peut le maintenir au pouvoir. Il est prêt à tout pour que son allié indélicat fasse mieux que sauver les meubles.

Leur victoire pourrait bloquer l’élargissement de l’Union européenne à l’est. Exactement comme le refus suisse de s’adapter à la législation fiscale européenne est en train de faire capoter le projet de directive sur la taxation de l’épargne en Europe.

On sait que les anti-européens de chez nous se plaisent à répéter qu’un petit pays n’aurait aucun poids dans l’UE. Haider et les banquiers suisses sont en train de prouver le contraire.