Le réalisateur Antonin Niclass, récompensé d’un Bafta à Londres l’année dernière, est de retour dans la capitale vaudoise où prospère le milieu de l’animation.
À tout juste 30 ans, Antonin Niclass remportait en 2022 le Bafta du meilleur court-métrage d’animation. Cette plus haute distinction britannique en matière de septième art venait récompenser Do Not Feed the Pigeons, son film de fin d’études. Depuis, le prodige continue de creuser efficacement son sillon et parfois même… depuis sa salle de bain lausannoise ! Interview.
Comment est née votre passion pour le film d’animation ?
Antonin Niclass : Mon père est décorateur de cinéma. Ma mère, ancienne animatrice radio, m’a transmis sa curiosité des autres. L’amour qu’ils avaient pour leur métier était inspirant. Gamin, on m’avait offert une caméra trois pixels que Steven Spielberg avait inventée pour Lego. Elle était fournie avec des petits décors. C’est ainsi que j’ai découvert l’animation. À 10 ans, je mettais déjà en scène des recettes avec des aliments qui se cuisinaient tout seul (rires). Puis mon travail de maturité au gymnase du Bugnon était un court-métrage. J’avais eu pour expert le réalisateur lausannois Pierre-Yves Borgeaud. J’adorais filmer autour de moi et j’avais aussi réalisé une sorte de documentaire sur notre voyage de fin d’études en Inde.
Pourquoi vous être ensuite expatrié en Belgique puis en Angleterre pour apprendre votre métier ?
Je ne trouvais pas ce qui me convenait en Suisse à l’époque, même si l’ECAL formait déjà au cinéma, et j’avais envie de suivre ma voie loin de l’ombre parentale (rires). J’ai passé sept ans en Belgique où j’ai suivi mon cursus à l’Institut des arts de diffusion de Louvain-la-Neuve. En parallèle, je réalisais des capsules vidéo pour Tataki, l’émission de la RTS. Ce fut un excellent moyen de faire mes armes. Puis j’ai enchaîné sur deux ans d’études à la National Film and Television School de Londres, très rare endroit en Europe où est enseignée l’animation en stop motion. Cette technique consiste à créer un film avec des photos d’objets ou de personnages physiques photographiés à 12 images au moins par seconde. Je l’aime particulièrement, car elle exige de la créativité mais aussi un côté artisan et manuel. Je la pratique notamment dans ma salle de bain où j’ai bricolé un petit studio.
Gagner un Bafta a-t-il boosté votre carrière ?
Cela m’a donné confiance dans ma capacité à raconter les histoires que je voulais et j’ai été médiatisé à la suite de cette récompense. Cela a permis à notre film Do Not Feed the Pigeons de tourner dans une soixantaine de festivals. Il a même fini par être racheté par The New Yorker. Mais cela n’a pas débouché pour autant sur des commandes d’autres films. Actuellement, je planche sur un court-métrage d’animation. Il parlera de la vision que ma grand-mère a du monde, par le prisme des faits divers drôles ou angoissants dont la presse nous abreuve.
Lausanne semble devenir une ville d’animation…
Je suis revenu m’y installer en janvier 2022 et j’ai alors été surpris de découvrir que prospérait là un petit milieu de l’animation. Je travaille pour Hélium Films, une boîte de production basée dans le quartier de Montelly et cofondée par Claude Barras, dont le film Ma Vie de Courgette avait affolé le box-office international en 2015, et Elie Chapuis qui a travaillé avec Wes Anderson.
Quel rapport entretenez-vous avec votre ville?
J’aime la qualité de vie qu’on y trouve. Et, la ville bouge, notamment culturellement. Je pense par exemple au LUFF (Lausanne Underground Film and Music Festival, ndlr), au Festival de bande dessinée BDFIL, au Festival de la Cité ou encore au Festival Cinéma Jeune Public où j’ai fait des démos de stop motion pour les écoliers. Lausanne est aussi une belle source d’inspiration. J’adore y déambuler pour me laisser surprendre par des conversations, anodines ou non, dans le métro M2, au marché ou au bord du lac.
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Ses adresses
Cinéma Cityclub Pully (Avenue de Lavaux 36, Pully): «Tout comme au cinéma Bellevaux, on y jouit d’une programmation variée permettant de faire de belles découvertes. Beaucoup de premières y sont organisées. J’y vais souvent et c’est à dix minutes en bus de mon appartement du quartier Sous-Gare !»
Daisuki (Avenue de France 38, Lausanne): «Ce restaurant japonais et coréen me régale ! La patronne est super-sympa et on y mange si bien que c’est là que j’emmène tous les amis qui viennent me rendre visite. Le cadre est cosy. C’est un restaurant de quartier avec une âme. »
Deli Social (Place du Tunnel 11, Lausanne): «Là, un couple de Britanniques en perpétuelle recherche culinaire refait sa carte chaque semaine. On y trouve des sandwichs de luxe pour 5 à 10 francs. C’est toujours une découverte dans un cadre sobre et à l’esthétique surprenante.»
Le Bureau Culturel Vaud (Place de la Riponne 10, Lausanne): «C’est un formidable endroit de rencontre et de création pour les artistes de tout poil. On peut accéder à des outils utiles à petit prix et des cours d’initiation s’y tiennent régulièrement. J’avais suivi par exemple celle du photographe Mehdi Benkler auquel on doit beaucoup d’images des idoles du Montreux Jazz Festival.»
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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (n° 11).