Il a révolutionné le graphisme et fait rayonner le Swiss style dans le monde entier. Portrait d’un créateur exceptionnel qui fête aujourd’hui son centième anniversaire à Lucerne.
C’est l’un des plus grands designers suisses qui fête aujourd’hui son centième anniversaire. Et pourtant, en dehors des milieux spécialisés, peu de ses compatriotes connaissent son nom.
Armin Hofmann vit aujourd’hui à Lucerne, discrètement, après avoir placé Bâle — et la Suisse — en plein centre de la carte du graphisme international.
Si le Swiss style (ou Swiss international style) est reconnu comme l’un des mouvements les plus influents du design graphique du XXe siècle, c’est grâce à lui et à quelques autres, comme Emil Ruder, Josef Müller Brockmann ou encore Karl Gerstner.
Né à Winterthur il y a donc un siècle, soit le 29 juin 1920, il a été formé au métier de lithographe et suivi l’enseignement de la Kunstgewerbeschule de Zurich avant de rejoindre l’école rivale, la Allgemeine Gewerbe Schule de Bâle, où il est nommé responsable de la classe de graphisme. Il a à peine 27 ans.
L’Europe est alors en pleine reconstruction et les graphistes suisses, épargnés par la guerre, disposent d’une bonne avance. Au cours des années précédentes, ils ont en effet pu poursuivre leurs recherches héritées des mouvements modernes et perfectionner leur art, alors que leurs confrères européens étaient mobilisés sur le front.
Le nom d’Armin Hofmann se fait vite connaître. Dans le courant des années 1950 il est invité par plusieurs universités américaines, notamment à Philadelphie et à Yale, pour transmettre son savoir aux nouvelles générations.
Il devient une référence absolue. Il est même considéré comme une sorte de gourou, notamment par Paul Rand, créateur des identités visuelles d’IBM et de UPS (et plus tard de NeXT Computer pour Steve Jobs), qui est pourtant son son aîné de six ans.
En Suisse, Armin Hofmann réalise le logo de l’Exposition nationale de 1964, celui du Stadt Theater Basel, il conçoit d’innombrables affiches, des livres, des identités visuelles et même des parois en béton qui jouent avec des éléments graphiques tout en améliorant l’acoustique des bâtiments.
Expressivité géométrique, usage du noir et blanc, typographies linéales, soin du détail: l’approche d’Armin Hofmann et de ses confrères du Swiss style influence quasiment toute la production graphique de l’époque, depuis les Etats-Unis jusqu’à l’Allemagne en passant par le Japon et l’Italie.
Son style sera brièvement passé de mode dans les années 1970 avant de revenir en force à la fin du siècle pour rejoindre la catégorie des indémodables. Loin d’être un conservateur, Armin Hofmann fait partie des modernistes radicaux.
Son livre «Graphic Design Manual: Principles and Practice», publié en 1965, est considéré comme l’un des plus importants de la discipline.
Au point que les étudiants en graphisme du monde entier utilisent aujourd’hui l’adjectif ‘suisse’ pour dire précis, rigoureux, un peu rigide mais indéniablement efficace.
Mais c’est sans doute sa philosophie de travail qui trouve la plus grande résonance aujourd’hui. Grand pédagogue, obsédé par le travail bien fait, Armin Hofmann n’a jamais hésité à mettre en garde contre les risques d’une approche purement commerciale. Il donne la priorité à la justesse et à l’honnêteté du projet avant toute chose, dans une vision à long terme.
C’est ce qui fait que de simples affiches qu’il produisait dans les années 1950 pour des ballets ou des expositions sont aujourd’hui considérées comme des œuvres majeures du XXe siècle.
Que le centième anniversaire d’un génie comme Armin Hofmann soit passé quasiment inaperçu en cet été 2020 est assez désolant. Mais son héritage demeure et continue à inspirer des générations de graphistes.
Quel plaisir de le savoir encore parmi nous et de pouvoir lui souhaiter un joyeux anniversaire!
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«Graphic Design Manual: Principles and Practice», le livre d’Armin Hofmann, en anglais, est en vente sur le site Large/Kiosk, qui réunit les meilleurs livres consacrés au design.
On y trouve aussi le cahier «Poster collection», édité par Lars Müller et Museum für Gestaltung Zurich, en anglais et allemand.