LATITUDES

«Menicure» et les autres mots de mars

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur notre usage des termes «menicure, «jargon» et «birding».

Menicure

Le magazine américain pour homme «Esquire» l’annonçait en janvier: «2020 is the Year of Menicure». En février, c’est de Paris qu’arrivait la nouvelle avec «Glamour» qui titrait: «Tendance beauté 2020: l’année de la menicure». Aujourd’hui, à la caisse de la station-service de mon coin de campagne, c’est un jeune homme aux ongles vernis en bleu pétrole qui saisit ma carte de crédit. Preuve qu’après avoir été arborée par des icônes de la contre-culture telles Kurt Cobain et David Bowie puis par des people, la pratique se démocratise.

Explication probable: la fluidité du genre. Des hommes aux ongles soignés; quel contraste avec l’image des mains ravagées que nous infligent les rongeurs d’ongles! Il y a fort à parier qu’en ce moment Benjamin Griveaux se livre à cette activité, nommée onychophagie, qu’il partage avec le Président de la République. Le remède: un vernis à ongles à l’effet dissuasif. Transparent jusqu’ici, ces produits s’adapteront-ils à la tendance 2020 en proposant différents coloris?

Jargon

Le jargon dessert grandement l’impact d’un message sur ses destinataires. Exprimé en termes hermétiques au grand public, un discours suscite le doute sur sa crédibilité. Ainsi, selon une récente étude américaine, l’usage du jargon scientifique expliquerait le désintérêt pour les sciences. «Il est important de communiquer clairement», insiste Hillary, co-auteure de la recherche.

Un constat qui se vérifie en ce moment, lors des multiples débats autour du coronavirus. Les propos les plus convaincants y sont formulés par des intervenants au langage accessible à tout un chacun. L’heure semble venue pour les experts en tout genre de se vacciner contre le jargon.

Birding

Est-ce l’alarmante disparition des oiseaux dans le monde qui explique l’engouement pour leur observation ? Un hobby pour une personne sur cinq en Amérique du Nord (3,8 millions de New Yorkais).

Le «birding» (un anglicisme nettement plus trendy qu’ornithologie) séduit de plus en plus de jeunes urbains, de Paris à Genève. Une pratique qui garantit la détente dans la nature ou face à la fenêtre de son salon. Mais qui permet aussi de constater l’évolution de la biodiversité et de se muer en lanceurs d’alerte.