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Une si douce dictature

Les diseuses de bonne aventure du premier janvier, pas plus que les experts les plus finauds, n’avaient vu venir toutes ces joyeusetés: l’état d’urgence, l’armée aux frontières et la population terrée dans ses pénates.

Outre un stress collectif inédit sous ces latitudes, la situation actuelle génère toute une gamme de fantasmes plus ou moins viraux, pas seulement sur des réseaux sociaux évidemment plus complotistes que jamais. Prenons au hasard deux médias dits de référence, de chaque côté de la Sarine.

La vénérable NZZ d’abord n’est pas loin de s’alarmer de la toute-puissance dont serait revêtu désormais, crise oblige, le gouvernement: «Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale le Conseil fédéral gouverne sur une longue période dans l’état d’urgence. Il peut agir sans le parlement, sans les cantons ni le peuple… Avec des mesures qui atteignent sur un large front la vie de la population et de l’économie.»

Le quotidien zurichois se souvient qu’entre 1939 et 1945 ce même Conseil fédéral avait parfois un tantinet abusé des pleins pouvoirs que lui avait conférés le Parlement. En interdisant par exemple le mariage avec des étrangers. Et aussi qu’il avait fallu lui tirer les oreilles et lancer initiatives populaires pour le faire renoncer, sept longues années après la guerre, aux mesures d’exception qu’il avait promulguées. C’est en effet un vieux travers de tous les régimes: maintenir une fois la crise passée les normes autoritaires édictées en plein tsunami.

LA NZZ pousse le souci jusqu’à se demander qui aujourd’hui pourrait arrêter un Conseil fédéral qui irait «trop loin». Et donne la réponse: les juristes de l’Office fédéral de la justice qui auraient le pouvoir de retoquer des décisions gouvernementales ayant oublié d’être proportionnées. À savoir en gros celles qui ne seraient «ni raisonnables, ni nécessaires, ni adaptées».

À l’inverse, sur les bords du Léman, le quotidien Le Temps ne s’embarrasse pas de ces arguties et trouve au contraire toutes les vertus à ce Conseil fédéral qui aurait enfin retrouvé des muscles: «La crise actuelle révèle un gouvernement uni qui assume ses responsabilités en prenant soin d’écouter les cantons. Il a trouvé le ton juste en renonçant à toute métaphore guerrière susceptible de dramatiser la situation préférant en appeler à la solidarité de toutes et de tous.»

C’est d’ailleurs là le fantasme pour l’heure le mieux partagé: la redécouverte rassurante des vertus d’un Etat plus ou moins fort. En réservant inquiétudes et critiques aux manœuvres d’un Viktor Orban profitant du virus pour gonfler sérieusement son autoritarisme. Ou à des Etats américains comme le Texas qui se cache derrière la pandémie pour restreindre les interruptions de grossesses.

Il n’y a en tout cas pas besoin de pousser très fort les habituels contempteurs de la mondialisation et les étatistes de tout poil: ils dansent sur le volcan en entonnant la ritournelle du «on vous l’avait bien dit». Au point que cela paraît presque trop beau: la globalisation néolibérale et le sans-frontièrisme punis là où ils ont péché. Avec non point le battement d’aile du papillon mais plutôt de la chauve-souris à l’autre bout du monde qui provoque un désastre ici.

On peut bien, avec la droite nationaliste se réjouir de la fermeture des frontières, et du retour frugal aux circuits courts et du sédentarisme avec les altermondialistes les plus échevelées. Il n’empêche que l’Etat. soudain plébiscité a sans doute fait le plus facile – le confinement. Il pourrait lui rester à gérer, s’il dure, ses conséquences prévisibles: l’effondrement de l’économie et la révolte d’une population psychiquement à bout.