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Les uns après les autres

Après Maudet, Barazzone et Broulis, voici donc l’affaire Savary. La moralisation de la vie politique qui devrait découler de ces mésaventures comporte pourtant quelques écueils.

Comme des mouches. Bientôt plus une semaine sans qu’un nom ne soit jeté en pâture à la vindicte publique. À tel point qu’une malédiction semble planer sur les têtes supposées pourtant bien faites des politiciens romands de premier plan. Mouches prises les pattes dans divers pots de miel.

Après Maudet, l’ami trop attentionné de l’Orient compliqué. Après Barazzone, l’homme qui ne dort jamais et téléphone toujours, au point de s’attirer ce rare compliment du Tages Anzeiger: «der Champagner-Minister». Après un Broulis qui ne sait plus trop où il habite. Après tous ceux-là, voici donc Géraldine Savary précipitée à son tour dans la tourmente.

Victime, la bonne sénatrice vaudoise, de son amour des voyages lointains et de quelques mauvaises fréquentations. La Sibérie, c’est bien joli, même lorsqu’on prend pour guides et sponsors des affidés notoires de l’aimable régime poutinien.

Ces différentes affaires d’élus profitant d’avantages indus sont évidemment de nature et d’envergure très variables. Elles ont cependant comme effet commun de redonner vie à une exigence qu’on croyait bonne pour nos incorrigibles voisins français: la transparence.

Du coup, on s’énerve moins contre les remarques perfides du Conseil de l’Europe qui abjure régulièrement la Suisse de se doter d’une loi sur le financement des partis politiques. Du coup le PS peut remercier, à voix très basse évidemment, sa sénatrice Savary: voilà l’initiative sur la transparence lancée justement par les camarades qui prend soudain une toute autre pertinence. Elle qui obligerait les partis à rendre publics chaque année leur budget, leur trésorerie, ainsi que le montant et l’origine des dons supérieurs à 10’000 francs.

Il semble en effet que plus rien ne sera jamais comme avant. Qu’il ne suffira plus face à ce genre de mésaventures, comme le préconisait Guillaume Barazzone, de modestement «serrer les fesses». C’est ce que montre la sévérité des réactions dans la population face aux notes de frais pantagruéliques des élus genevois. Sur l’air de «moi je fais ça à mon travail, je suis viré dans les cinq minutes».

Une sévérité qui contraste avec une relative mansuétude des médias, s’expliquant par la proximité quotidienne qui unit fatalement élus et journalistes. C’est ainsi que Géraldine Savary en pleine tempête s’est vue qualifiée de «politicienne tout à la fois compétente, habile et séduisante». Et ce n’était pas dans le Journal de Payerne.

La moralisation de la vie politique, qui devrait logiquement suivre ces affaires en cascades, présente cependant certains désavantages. Par exemple de favoriser deux catégories particulières de politiciens, aux deux extrémités du spectre: les brutes et les falots.

Au moment où Géraldine Savary jetait vite l’éponge, renonçant à une présidence du Conseil des Etats qui lui tendait les bras, au motif que contrairement à ce qu’elle avait cru, elle n’était «pas une politicienne en titane» que pouvait-on voir de l’autre côté de l’Atlantique? Un Trump en acier trempé faisant face pendant une heure et demie à plusieurs dizaines de journalistes hostiles, et rendant coup pour coup avec un agressivité, un culot, et un sans-gêne sans exemple.

L’autre espèce de politiciens que la transparence érigée en règle absolue ne dérangera pas outre mesure, ce sont justement, et à l’inverse, les transparents. À savoir ceux qui ne retiennent pas la lumière.